Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/310

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moment où un groupe de ce détachement s’apprêtait à mettre le feu à l’Église, l’on s’était précipité sur les soldats avec une telle ardeur et un tel succès que ceux-ci avaient été forcés de s’éloigner. Celui qui avait dirigé cette attaque était Noël Brassard dit Beausoleil, fils de Jean-François et de Catherine Richard. Voici comment Casgrain, dans son Pèlerinage au Pays d’Évangéline, raconte la suite des événements en autant qu’ils concernent Noël Brassard, — événements qui sont encore profondément enracinés dans le souvenir des Acadiens des Provinces Maritimes :

« Aucun habitant du lieu n’avait plus d’intérêt que Noël Brassard à défendre ses foyers. Il était père de dix enfants dont le dernier avait à peine huit jours ; il avait avec lui sa vieille mère octogénaire. Son père, l’un des premiers colons de Peticoudiac, lui avait légué, avec la maison paternelle, une grande et belle terre en pleine culture, qui lui donnait une honnête aisance. Aussi Noël Brassard ne pouvait se résigner à la pensée de quitter Peticoudiac pour aller errer dans les bois avec sa famille, aux approches de nos terribles hivers. Il savait quelles misères les y attendaient ; il savait que les plus faibles y trouveraient une mort certaine. Dans l’assemblée des habitants où le départ fut décidé, Noël Brassard opina pour une lutte à outrance, et ce fut seulement après que toute la paroisse eût été abandonnée qu’il se décida à rejoindre les fugitifs. Tandis que sa femme, qui pouvait à peine se traîner, se dirigeait vers la lisière de la forêt, suivie de ses enfants, et portant le dernier né dans ses bras, il entassait dans une charrette le peu d’effets qu’il pouvait emporter, et y étendait sa vieille mère que les émotions des derniers jours avaient réduite à