Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 3, 1916.djvu/356

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ment, lorsque une grande curée vient aiguiser les appétits des chacals guettant une proie.

Mais, avant de nous éloigner définitivement de Belcher, nous rapporterons deux incidents de son administration ; l’un est une nouvelle iniquité, et l’autre un acte de justice élémentaire qui nous le montre sous un jour plus favorable, et dont nous voulons lui donner crédit.

Parmi les puissantes raisons qu’il faisait valoir auprès des Lords du Commerce, pour obtenir de déporter les Acadiens, il en était une sur laquelle il appuyait tout particulièrement, comme étant sans réplique, à savoir leurs mauvaises dispositions[1] :

« Je me permets de faire remarquer en outre qu’aucun des Acadiens ne s’est jamais volontairement soumis ; mais au contraire, c’est le besoin et la crainte qui les y ont réduits ; il y a de ceci une preuve dans ceux d’entre eux qui demeurent dans le village de Ste-Anne sur la rivière St-Jean ; ils sont là quarante qui n’ont pas encore proposé de se rendre. »

En effet, ces quelques familles n’étaient pas venues faire leur soumission. Elles avaient préféré, chose horrible ! leur liberté et l’existence chétive et précaire qu’elle leur donnait, à une soumission qui entraînait l’emprisonnement et la déportation ; c’était leur crime. Leur éloignement les protégea assez longtemps dans leur distante retraite pour leur permettre d’attendre les ordres pacifiques des Lords du Commerce, mais, dans l’intervalle, les terres qu’elles occupaient avaient été englobées dans les octrois nombreux

  1. N. S. D. p. 327. — La lettre d’où cet extrait est tiré est du 15 avril 1761, et adressée non aux Lords du Commerce mais au général Amherst.