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cette saison et à presser de se rendre sur les glaces incessamment aux lieux de l’embarquement.

La première c’est que dans le printemps les portages sont impraticables et qu’en différant de les passer plus tard on s’expose à être pris de l’Anglois ou à manquer de voitures s’il faut absolument se retirer,

La deuxième c’est que tandis que les Accadiens sont en voisinage de leurs habitations et de leurs maisons, ils ont toujours quelque prétexte pour sortir du bois (il y en a qui espèrent insensément de pouvoir semer ce printemps les choses comme elles sont). Sur ces entrefaites l’Anglois vient, en prend quelques uns et les emmène.

Et le plus grand mal n’est pas qu’on emmène quelqu’un, mais que l’ennemi apprenne par là la triste situation de nos affaires. L’anglois est venu trois fois cet hiver à Memeramcouq, la première fois il surprit trois hommes, la deuxième trois autres, la troisième fois, s’étant fait pilloter par un de ceux qu’il nous avoit pris cy devant, il s’avança de nuit dans le bois jusqu’à un endroit plus de vingt familles avoient cabane mais par bonheur, la crainte avoit poussé ces pauvres gens plus avant dans la forest cinq ou six jours auparavant ; ainsy l’Anglois ne trouva que les vieilles cabanes et ne peut exécuter ses ordres cruelles.

Pierre Suret a rapporté que le Commandement de ce parti avoit ordre de se saisir de tous les Accadiens dans cet endroit, de faire mourir incontinent tous ceux qui s’y trouveroient en état de porter les armes, de leur lever la chevelure, d’emmener tout le reste après avoir laissé au bout d’un piquet une lettre à Monsieur de Boishébert à peu près dans ce stile :

« Vous avez commencé nous continuons sur le même ton jusqu’à ce que vous vous retiriés de ces cantons avec vos Sauvages. On dit chez vous aux Sauvages qu’autant d’anglois qu’ils tueront, que ce sera autant d’échelons pour aller en Paradis, nous ajouterons que c’en sera deux pour nos gens par autant d’Accadiens qu’ils détruiront. »

(a) Cet homme nous a dit que c’est le traître Daniel qui a suggéré cet avis aux Anglois comme le seul moyen de faire retirer Monsieur de Boishébert qui les désole avec ses Sauvages et pour empêcher les Accadiens de frapper sur eux.

Le malheureux Daniel a dit aussy aux Anglois que les Sauvages étant allés trouvés Monsieur Manach pour parlementer sur la guerre, ce Missionnaire leur parla ainsy.

« Est-ce à moy qu’il faut venir faire des parlemens, n’y a-t-il pas un officier du Roy, mais allés autant d’Anglois que vous tuérés, ce sera autant d’échelons pour monter au Paradis. » (a)

Il paroît par ce que je viens de marquer qu’il n’y a plus de seûrete aux Rivières pour les Accadiens et que leurs meilleur parti c’est de profiter des glaces pour se rendre au bord de la mer, où ils seront bien plus seûrement par rapport à l’ennemy et à portée de tout, soit pour s’embarquer s’il le faut ab-