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majesté du pouvoir royal finirait par s’incarner dans une Pompadour ou une Du Barry. De dégradation en dégradation, Louis XV se permettrait de dire : « Après moi, le déluge ! » Le déluge ne devait pas tarder en effet, mais

    parole : « l’État, c’est moi ! » Cette formule a été inférée de la réponse qu’il fit un jour à ses courtisans. Mazarin venait de mourir. « On était si loin d’espérer d’être gouverné par son Souverain, que de tous ceux qui avaient travaillé jusqu’alors avec le premier Ministre, il n’y en eut aucun qui demandât au Roi quand il voudrait les entendre. Ils lui demandèrent tous : À qui nous adresserons-nous ? Et Louis XIV leur répondit : À moi. — On fut encore plus surpris de le voir persévérer… Sa résolution prise une fois, il la maintint jusqu’au dernier moment de sa vie… » Voltaire. Siècle de Louis XIV, ch. VII, p. 229 de l’édition de Genève, 1769. Tome 11 des Œuv. complètes. — « Louis XIV — et cela est visible dès ses premières paroles et dès ses premiers gestes — met simplement en lui-même le principe et la fin des choses. Il savait probablement en gros les longues théories savantes écrites par les gens d’Église et les gens de loi sur l’excellence du pouvoir royal, mais il n’avait que faire de cette érudition. Il croyait en lui-même par un acte de foi. S’il a prononcé la parole : « L’État, c’est moi », il a voulu dire tout bonnement : « Moi, Louis, qui vous parle. » Ce « moi » qui domina tout un siècle et lui donna sa marque, est le produit d’une longue histoire… » Hist. de France, de Lavisse. Tome VII, le p. par Lavisse. Livre II, c. I, par. III. Le « moi » du Roi.

    Quant à l’incident dont notre texte fait mention : « Louis XIV entrant botté et éperonné, etc., » voici d’abord le témoignage de Voltaire : « Il n’y eut qu’une occasion où ceux qui savent juger de loin prévirent ce qu’il (Louis XIV) devait être ; ce fut lorsqu’en 1655, après l’extinction des guerres civiles, après sa première campagne et son sacre, le Parlement voulut encore s’assembler au sujet de quelques édits ; le Roi partit de Vincennes en habit de chasse, suivi de toute sa Cour, entra au Parlement en grosses bottes et le fouet à la main, et prononça ces propres mots : « On sait les malheurs qu’ont produit vos assemblées. J’ordonne qu’on cesse celles qui sont commencées sur mes édits. Monsieur le Président, je vous défends de souffrir des assemblées, et à pas un de vous de les demander. » Loc. cit., c. 25e p. 443. Mais voici qui contrôle et qui corrige le récit de Voltaire : « Le Parlement ne se résigna pas tout de suite (après la Fronde) à l’aveu de sa défaite. Il n’est pas vrai qu’il ait été terrassé par un geste et par un mot du Roi, dans la séance du 13 avril 1665. On connaît la légende de cette journée : le Roi apprend à Vincennes que le Parlement va délibérer sur des édits qui avaient été enregistrés en sa présence ; il accourt au Palais en tenue de chasse, le fouet à la main, gronde, menace, et comme le premier Président Pompone de Bellièvre invoque l’intérêt de l’État, il réplique : « L’État, c’est moi. » — Le Roi n’était pas capable d’une brutale