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festés en exemples vraiment touchants, le rôle de la France reste encore très grand dans le monde. La France est toujours la première des nations par le rayonnement de son génie, les ressources de son cœur, ses idées nobles et généreuses, son culte pour l’art et la beauté, l’œuvre de ses savants. Mais la mission prépondérante qu’elle pouvait exercer à l’égard de la colonisation et du peuplement de vastes régions de notre globe, elle ne peut plus espérer la remplir. La perte de ses immenses possessions d’Amérique l’a fait déchoir du rang supérieur qu’elle occupait comme puissance coloniale. Et à qui doit-elle s’en prendre de cette déchéance sinon à elle-même, à son apathie, à l’inconstance de ses desseins ?

Lorsque la France et l’Angleterre se disputaient l’Amérique du Nord, l’Angleterre comptait treize millions d’habitants et la France vingt-sept. Aujourd’hui, malgré son énorme expansion coloniale, l’Angleterre compte une population égale à celle de la France. Dans l’Amérique du Nord, États-Unis et Canada, près de cent millions d’habitants parlent sa langue, sont imprégnés de ses idées et de son génie particulier.[1] Qu’adviendra-t-il d’ici à un siècle ou

  1. Il peut être vrai que les Anglais du Canada ont une mentalité assez conforme à la mentalité britannique. Le mouvement impérialiste, qui s’est accentué ces dernières années, a d’ailleurs pour but de créer des liens plus étroits entre cette colonie et l’Angleterre et d’assurer à celle-ci une domination plus grande, non seulement dans l’ordre politique, mais encore dans l’ordre des aspirations et des idées. Cependant, le mouvement nationaliste n’est pas sans exercer une réelle influence surtout chez les Anglais de l’Ouest du Canada. Quant aux États-Unis, l’anglais y est la langue du plus grand nombre, mais c’est un anglais qu’en Angleterre l’on trouverait de qualité plutôt médiocre. Quelque jugement que l’on porte là-dessus, une chose est certaine, c’est qu’il n’y a plus de similitude entre la mentalité américaine et la mentalité anglaise. Prétendre que les Américains se modèlent le moins du monde d’après les idées britanniques est une chimère.