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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/125

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péninsule trop exposée aux incursions de l’ennemi ; et quant au Canada, sa température sévère rebutait les meilleures volontés. Louis XIV avait bien compris cela : aussi avait-il conçu le projet de coloniser les Illinois et le haut du Mississipi, afin d’ouvrir à l’expansion française de nouveaux débouchés dans des milieux plus doux, plus favorables à la culture. Mais il était trop tard.

L’on dit communément que le français n’est pas colonisateur. Il ne l’est peut-être plus. Depuis au delà d’un siècle, la France, jetée dans les révolutions et les contre-révolutions, bouleversée au dedans, durement éprouvée par les guerres, ayant à lutter pour maintenir sa situation en Europe, n’a pas eu le loisir de s’occuper sérieusement de ses colonies. Mais il est difficile d’admettre que le français du dix-septième et du dix-huitième siècle ne fut pas tout aussi colonisateur que l’anglais, l’espagnol ou le hollandais. L’infériorité, sous ce rapport, venait des institutions, des gouvernants et de la situation peu avantageuse dans laquelle se trouvait la France à l’égard de l’équilibre européen. Quant aux Français eux-mêmes, ce qu’ils ont accompli sur le sol d’Amérique nous paraît détruire l’assertion que ce peuple est impropre à coloniser.

Nous avons signalé comme l’une des causes principales de leur infériorité numérique le climat rigoureux qui régnait dans leurs colonies : combien de braves colons y furent décimés par le froid et la misère, et combien de leurs compatriotes de France renoncèrent à émigrer sur les bords du St-Laurent par crainte de venir y augmenter le nombre des victimes qui avaient déjà succombé aux intempéries des saisons. Mais ceux qui eurent le courage de venir quand même s’y établir ont manifesté des aptitudes physiques, une énergie, une habileté, un esprit d’entreprise qui nous