Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/201

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laient du moins se garder contre un autre danger, celui d’avoir à lutter un jour contre leurs propres compatriotes, de se voir engagés dans une guerre fratricide ; ils voulaient se mettre en mesure de pouvoir, en tout temps, quitter le pays, si l’on violait à leur détriment les conditions qu’ils imposaient.

Pour peu que l’on se donne la peine de réfléchir, l’on verra que les sentiments qui poussaient les Acadiens à en agir ainsi avaient leur source dans les plus nobles instincts de la nature. Leur persistance, longue de quarante années, à refuser de prêter tout serment qui les eût exposés à combattre leurs compatriotes, leur a fait le plus grand honneur aux yeux de la postérité ; et leurs descendants sont, à juste titre, fiers de cette attitude. Parkman a eu beau vouloir s’en moquer, son ironie plutôt lourde est tombée à plat ; car, à moins d’avoir perdu le sens commun, l’on ne peut qu’approuver les Acadiens de s’être prémunis contre des conséquences qui feraient reculer toute nation civilisée. Il eut été facile à l’Angleterre, comme elle le fit en 1730, de se rendre aux demandes des habitants français. Dans leur bonne foi, ceux-ci s’imaginèrent sans doute qu’en faisant ces propositions ils avaient trouvé un moyen terme dont l’effet eut été de calmer leurs appréhensions et de leur permettre de conserver biens et patrie. Les autorités anglaises ne se fussent-elles pas honorées en considérant et en discutant posément ces propositions ? Ne leur était-il pas loisible d’en venir, par exemple, à un compromis, comme de limiter à un temps défini l’exemption pour les Acadiens de prendre les armes ? Mais non, rien de la sorte ! aucun souci des légitimes répugnances des colons à se lier par un serment qui pouvait, à la première occasion, souiller leurs mains d’un sang fraternel ; aucun souci des entraves volontairement mises à l’exécu-