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vince de Québec et le fit avorter. Que l’on approuve ou non ces procédés de l’autorité religieuse, il n’en sont pas moins des faits réels et indéniables ; pareille attitude est une tradition dont l’Église catholique ne s’est jamais départie, parce que cette attitude procède directement des principes que l’Église enseigne en matière d’obéissance. Pour elle, en effet, la révolte contre le pouvoir n’est légitime et permise que dans le cas d’intolérable persécution, où les intérêts religieux sont très gravement menacés. Si le Canada devait jamais essayer de briser, par un acte de rébellion, les liens qui le rattachent à l’Angleterre, nous n’hésitons pas à affirmer que le clergé catholique serait le premier à désapprouver cet acte et à prêcher la juste soumission au pouvoir établi : l’Angleterre peut être assurée que l’Église, par sa doctrine et son passé, est le plus ferme boulevard de son influence dans l’Amérique Britannique[1].

Ce qui est vrai du Canada en général l’est aussi de l’Acadie. Les prêtres Acadiens pouvaient désirer et souhaiter dans leur cœur, que cette province redevint colonie française, et cela moins par pur patriotisme encore, que par crainte que la religion n’eût à souffrir de la domination étrangère ; ils pouvaient entretenir chez leurs fidèles l’amour et le souvenir de la France, les éclairer sur leurs droits,

  1. Cf. pour la doctrine de l’Église touchant la soumission des peuples au pouvoir établi, l’opuscule de S. Thomas : De Regimine Principum ; le liv. I, ch. VI, en particulier, expose le devoir des catholiques à l’égard de la tyrannie. — Cf. aussi l’encyclique de Léon XIII, Diuturnum, sur l’Origine du Pouvoir Civil ; l’encyclique du même Pontife, Immortale Dei, sur La Constitution chrétienne des États. — À propos des événements de 1837-38, Mgr Lartigue, évêque de Montréal, avait lancé un Mandement qui débute ainsi : « Il n’est jamais permis de se révolter contre l’autorité légitime, et (le clergé) ne doit point absoudre quiconque enseigne que l’on peut se révolter contre le gouvernement sous lequel nous avons l’honneur de vivre… »