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lignes les péripéties de la guerre dont nous venons d’esquisser les phases les plus importantes : « Ceci — à savoir le serment de fidélité à Georges II que presque tous les habitants prêtèrent en 1730 — rendit à la province une tranquillité relative jusqu’à la guerre de 1745, alors que quelques-uns d’entre eux demeurèrent neutres, tandis qu’un certain nombre prirent les armes, et que plusieurs autres prêtèrent secours à l’ennemi en le renseignant et en lui fournissant des provisions[1]. »

Cette phrase, en apparence simple et candide, est au fond insidieuse et malhonnête : latet anguis in herba[2]. Elle ne précise rien, mais, par voie d’insinuation, elle laisse le lecteur sous l’impression qu’environ un tiers des Acadiens garda la neutralité, un tiers s’arma, et les autres aidèrent les français de différentes manières. C’est là un truc assez ordinaire à Parkman ; sans même sortir de notre sujet, nous pourrions en citer bien d’autres exemples. Et ce truc peut être habile chez un avocassier ou un politicien aux abois. Mais ici, il s’agit d’histoire, et l’histoire doit être traitée sérieusement et impartialement. Au lieu de vagues imputations, que ne produit-il un document à l’effet que les Acadiens ont recouru aux armes ?

En présence de la fidélité que ceux-ci conservèrent, malgré toutes les séductions et toutes les menaces, que devient l’accusation portée par le même historien contre les prêtres ?

  1. « This restored comparative quiet till the war of 1745, when some of the Acadians remained neutral, while some took arms against the English, and many others aided the enerny with information and supplies. » — (Vol I, ch. IV. Conflict for Acadia, p. 96).
  2. Qui legitis flores et humi nascentia fraga,
    Frigidus, o pueri, fugite hinc, latet anguis in herba.

    Virgile. Buc.-Egl. III, 92-93.

    (Un serpent sous l’herbe, ou sous roche, comme nous disons en français.)