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d’abord, puis de celles qui troublent les deux grandes nations, de l’autre côté de la mer.

Par malheur, dans les conditions où elle se trouve réduite, la France ne peut guère envoyer de nouveaux colons, les ressources sont insuffisantes et les établissements sont laissés à eux-mêmes pour se défendre. Par contre, la Nouvelle-Angleterre ne cesse de s’accroître. En 1710, le fort de Port-Royal n’a pas 500 habitants, l’Acadie entière en possède à peine 2,000, tandis que la colonie voisine en a déjà 150,000.

Malgré cette inégalité, de 1667 à 1710, espace de 40 ans, Port-Royal n’essuiera pas moins de cinq sièges avant de tomber définitivement au pouvoir des Anglais. Les Français se battent vingt contre un. D’où leur vient cette vaillance extraordinaire ? L’on peut répondre sans peine : de leurs vertus privées.

Les historiens sont unanimes à exalter les mœurs des anciens Acadiens. Le courage de ces premiers habitants de notre Amérique, leur amour du travail, leur persévérance, leur simplicité, leur foi inébranlable ont été le sujet de panégyriques que l’intérêt seul ne suffirait pas à expliquer. Malgré les troubles que l’ambition de certains chefs suscite et dont la population est plutôt victime, les Acadiens réalisent chez eux cet idéal que tant de théoriciens jusque-là auront vainement esquissé dans leur cerveau : celui d’une communauté fraternelle se gouvernant elle-même librement dans le respect du droit. Comme Longfellow l’a chanté dans son Évangéline :


« Thus dwelt together in love these simple Acadian farmers,
Dwelt in the love of God and of man. Alike were they
Free from Fear that reigns with the tyrant, and envy the vice of republics. »


Au moment où les Acadiens passent sous la domination anglaise, ces habitants tiennent déjà profondément au sol où ils se sont implantés. Ils possèdent une physionomie distincte. « Pendant un siècle, dit Richard, ils ont vécu étrangers à la France et au Canada ; ils ont contracté des habitudes, ils possèdent des traditions, toutes choses qui caractérisent un peuple. L’immigration n’a rien ajouté à leur nombre ; ils se sont multipliés par eux-mêmes, » ce qui explique encore leur union, leur harmonie, leur homogénéité. Quel malheur que la France n’ait pu secourir davantage cette petite nation des provinces maritimes ! Une défense hardie eût pesé si heureusement sur les destinées du Canada, peut-être de toute l’Amérique du Nord. Abandonnés à eux-mêmes, les Acadiens devaient à la fin succomber. Dans les dernières années du régime français, toutes les calamités, du reste, s’abattent sur les Anglais aussi bien que sur eux. Il était impossible que cet état de guerre et de rivalité incessante, d’où toute sécurité était bannie, durât plus longtemps. En vain des efforts se multiplient, en vain des guerriers comme Subercase, par exemple, l’un des derniers héros des guerres d’Acadie, veulent prolonger la résistance, l’Acadie va succomber. Le drame si grave qui se déroule sous les murs de Port-Royal rappelle la malheureuse campagne qui a eu pour issue la prise de Québec.

Dans le siège de Port-Royal où l’ennemi possède au-delà de 3,400 combat-