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duire à la famine ceux qui tenteraient de se cacher dans les bois. Il faudra prendre grand soin de sauver les animaux et la récolte sur le champ, que vous pourrez faire rentrer sans exposer vos hommes au danger ; vous devrez aussi autant que possible, empêcher les Français fugitifs et les sauvages d’enlever ou de détruire les bestiaux. »


Ces lettres en disent bien long sur le caractère de Lawrence, — lequel s’y montre à nu dans toute sa hideuse laideur. Pensa-t-il un moment aux souffrances qu’il allait imposer ? Son esprit fût-il en proie à un combat, si court qu’il fût ? Nous n’en voyons pas la trace. Est-ce que le loup qui déchire la brebis s’arrête aux douleurs qu’il lui fait endurer ? Est-ce que le chat qui prolonge la vie de la souris, pour instruire ses petits dans l’art de l’attaque, ou simplement pour exercer son agilité, songe aux tortures de sa victime ? Comme le loup, et comme le chat, Lawrence assouvissait sa faim de cruautés ; aux dépens des pauvres Acadiens, il allait étancher sa soif de la fortune ; comme les bêtes sauvages, il se montrerait sourd aux cris de douleur qui allaient jaillir sous ses coups.

Il n’y avait que deux jours que la déportation avait été décidée officiellement en Conseil ; et déjà le gouverneur avait commandé à Boston et ailleurs les transports dont il avait besoin ; déjà il avait écrit aux officiers commandant à Annapolis et à Pigiquit : chacun d’eux avait ses instructions minutieusement détaillées, où toutes les éventualités étaient prévues avec une adresse diabolique. Évidemment, tout cela avait été réglé longtemps d’avance ; et Lawrence se hâtait d’agir avant que la réponse des Lords du Commerce ne lui arrivât.

Le lecteur a dû remarquer la grande sollicitude que Law-