Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome I, 1916.djvu/43

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même nous flatter que notre ouvrage leur donnera la solution de l’énigme qu’ils cherchaient depuis longtemps : nos explications mises à part, l’enchaînement progressif des faits à la lumière des nombreux documents inédits que nous apportons, — voilà ce qui sera surtout de nature à leur plaire.

Dans l’esprit de nos lecteurs va sans doute s’élever une foule de préventions, que nous espérons voir tomber une à une, et se dissiper tout à fait bien avant le dernier chapitre de notre livre. Loin de nous étonner de ces préventions, nous les comprenons parfaitement : comment en effet se défendre de l’impression que celui qui décrit des événements auxquels tous ses ancêtres ont été si douloureusement mêlés ne puisse les envisager avec le calme et l’impartialité nécessaires à l’historien ? — Il est vrai, le souvenir du traitement infligé aux Acadiens a laissé en notre âme une empreinte indélébile ; notre cœur a saigné au récit des malheurs qui ont accablé nos pères. Et cependant cela est resté sans influence sur notre jugement, et c’est avec la plus grande liberté d’esprit que nous avons examiné un problème obscur et tenté de le déchiffrer. L’éducation fixe souvent dès l’enfance les opinions de toute la vie. Pour le plus grand nombre, cette éducation est tout ; elle met dans leur intelligence des semences d’idées, dans leur cœur des germes de sentiments qui se développeront normalement et leur serviront à tout jamais de règles et de principes : en sorte que les choses seront toujours teintées à leurs yeux des couleurs sous lesquelles elles leur sont apparues d’abord. Mais il y a des tempéraments plus souples, plus élastiques, et aussi plus personnels, qui, tout en respectant les traditions puisées au foyer, les discutent, en pèsent la valeur, font même table rase de tout ce dont l’éducation les a chargés pour