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exécuter en si peu de temps des œuvres aussi considérables. Les Acadiens en étaient récompensés par une abondance qui satisfaisait à leurs besoins et à leurs goûts modestes : leur ambition n’allait pas au delà. Ils n’avaient pas non plus à s’inquiéter de l’avenir de leurs enfants : de bonne heure s’était établie la coutume que la communauté fît les frais de leur établissement, lequel comprenait tout le nécessaire, en sorte que, au bout de quelques années, les fils se trouvaient dans une situation de fortune égale à celle de leurs pères. Je le répète, tout cela suppose qu’un parfait esprit d’entente régnait dans ce petit monde, puisque, même sous la domination anglaise, pas un seul cas de divergence ne s’éleva dans les décisions ayant trait aux intérêts communs : l’on décidait dans un sens ou dans un autre, mais toujours, en autant qu’on peut le voir, l’opinion était unanime[1].

Cette forme sociale, telle que nous avons essayé de la décrire, n’a cependant rien qui doive nous surprendre ; nous croyons au contraire que les mêmes circonstances eussent amené ailleurs des effets à peu près semblables. Pendant un siècle, les Acadiens restèrent sans relations avec la France et le Canada ; leurs coutumes et leurs traditions avaient fait d’eux un peuple distinct. Et si l’accroissement de la population ne dut à peu près rien à l’immigration, en revanche la race était tellement prolifique, les familles se multipliaient avec une telle intensité que, quatre-vingts ans plus tard, cette petite nation comptait dix-huit mille âmes[2]

  1. Pèlerinage au pays d’Évangéline, c. IV, p. 115, et Appendice III, p. 384, les témoignages de Brook Watson (1791) et de Moïse de les Derniers
  2. « Les familles Acadiennes sont plantureuses en progéniture, » selon le mot du Sieur de Diéreville, dans son Voyage en Acadie.

    Le recensement de 1714, exécuté par le Père Félix Pain, donne un total de 2.528 âmes ; en 1731, nous trouvons dans l’ensemble des paroisses acadiennes