Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/147

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aura quelque chose, par conséquent, dont il pourra vous instruire. Je ne veux pas lui montrer votre lettre, quoique vous paroissiez le souhaiter ; de peur qu’elle ne l’excite à devenir un maître d’école trop sévère, lorsque vous serez à lui. Mais, à présent que j’y pense, supposons que vous sachiez mieux écrire que lui. Eh bien ! Vous lui en serez plus utile. Cela n’est-il pas certain ? Personne n’entend mieux que vous l’économie ; vous tiendrez ses comptes, et vous lui épargnerez la dépense d’un homme d’affaires. Je puis vous assurer que c’est un grand avantage dans une famille ; car la plupart de ces gens d’affaires sont de vilains frippons, qui se glissent quelquefois dans les biens d’un homme avant qu’il les connaisse, et qui le forcent assez souvent de leur payer l’intérêt de son propre revenu. Je ne vois pas pourquoi ces soins seraient au-dessous d’une bonne femme. Cela vaut mieux que de passer les nuits à table, ou à manier des cartes, et de se rendre inutile au bien d’une famille, comme c’est la mode aujourd’hui. Je donnerais volontiers au diable toutes celles qui sont dans ce mauvais train ; si ce n’est, grâce à ma bonne étoile, que j’ai le bonheur d’être encore garçon. Mais pour vous, l’administration est une partie dans laquelle vous êtes admirablement versée. Vous êtes fâchée même qu’on vous l’ait ôtée ici, comme vous savez. Ainsi, miss, avec M Solmes, vous aurez toujours quelque chose à tenir en compte pour votre avantage et pour celui de vos enfans. Avec l’autre, vous aurez peut-être aussi quelque chose à compter, mais ce sera ce qui vous passera par-dessus l’épaule gauche

c’est-à-dire, ses dissipations,

ses emprunts et ses dettes, qu’il ne paiera jamais. Allez, allez, ma nièce, vous ne connaissez pas encore le monde. Un homme est un homme. Vous ne ferez peut-être que partager un bel homme avec bien d’autres femmes, et des femmes couteuses, qui vous dépenseront tout ce que vous aurez eu la bonté d’épargner. Tenons-nous donc à M Solmes ; nous, pour notre argent, et vous, pour le vôtre, j’espère. Mais M Solmes est un homme grossier. Il n’a point ce qu’il faudrait pour votre délicatesse, apparemment, parce qu’il ne se met pas comme un petit maître, et parce qu’il ne se répand pas en ridicules complimens, qui sont le poison des esprits femelles. Je vous assure, moi, que c’est un homme de sens. Personne n’est plus raisonnable avec nous. Mais vous le fuyez avec tant de soin, qu’il n’a jamais occasion de se faire connaître. D’ailleurs, l’homme le plus sensé a l’air d’un fou lorsqu’il est amoureux, sur-tout, s’il se voit méprisé, et traité aussi mal qu’il l’a été la dernière fois qu’il a voulu s’approcher de vous. à l’égard de sa sœur, elle s’est précipitée, comme vous le voudriez faire, malgré tous ses avertissemens. Il lui avait déclaré à quoi elle devait s’attendre, si elle faisait le mariage qu’elle a fait. Il lui tient parole, comme tout honnête homme y est obligé. Il en doit cuire, pour les fautes dont on est bien averti ; prenez garde que ce cas ne soit le vôtre. Remarquez bien cela. Son oncle ne mérite de lui aucune faveur, car il n’a rien épargné pour attirer vers soi la succession d’un frère, qui avait toujours été destinée pour M Solmes, leur neveu commun. Trop de facilité à pardonner ne fait qu’encourager les offenses. C’est la maxime de votre père ; et si elle était mieux observée, on ne verrait pas tant de filles opiniâtres. La punition est un service qu’on rend aux pécheurs. Les récompenses ne