Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/247

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ruse, pour me faire consentir à sa visite. Je lui aurais envoyé ma réponse de bouche ; mais Betty ayant refusé de s’en charger, je me suis vue dans la nécessité de le voir, ou de lui écrire. J’ai pris le parti de lui écrire un billet dont vous aurez l’original : je tremble des suites, car j’entends beaucoup de mouvement au-dessous de moi. à M Solmes.

monsieur, si vous avez quelque chose à me communiquer, qui concerne mon honneur, vous pouvez me faire cette grâce par écrit comme de bouche. Quand je prendrais quelque intérêt à M Lovelace, je ne vois point quelle raison vous auriez d’y croire le vôtre attaché ; car le traitement que je reçois à votre occasion est si étrange, que, quand M Lovelace n’existerait point, je ne consentirais pas à voir une demi heure M Solmes, dans les vues qu’il me fait l’honneur d’avoir pour moi. Je n’aurai jamais rien à démêler avec M Lovelace, et par conséquent toutes vos découvertes ne peuvent me toucher, si mes propositions sont acceptées. Je vous en crois bien instruit. Si vous ne l’étiez pas, ayez la bonté de faire connaître à mes amis que, s’ils veulent me délivrer de l’un des deux, je m’engage à les délivrer de l’autre. Dans cette supposition, que nous importera-t-il à tous, que M Lovelace soit honnête homme ou ne le soit pas ? Cependant, si vous ne laissiez pas de vous y croire intéressé, je n’aurais aucune objection à faire. J’admirerai votre zèle, lorsque vous lui reprocherez les erreurs que vous avez su découvrir dans sa conduite, et que vous vous efforcerez de le rendre aussi vertueux que vous l’êtes sans doute, puisqu’autrement vous n’auriez pas pris la peine de rechercher ses fautes, et de les exposer. Excusez, monsieur : mais, après une persévérance, que je trouve très-peu généreuse depuis ma dernière lettre ; après la tentative que vous venez de faire aux dépens d’autrui, plutôt que par votre propre mérite, je ne sais pas pourquoi vous accuseriez de quelque rigueur une personne qui est en droit de vous reprocher toutes ses disgrâces. Clarisse Harlove. Dimanche au soir. Mon père voulait monter à ma chambre, dans son premier transport. On n’a pas eu peu de peine à le retenir. Ma tante Hervey a reçu l’ordre ou la permission de m’écrire le billet suivant. Les résolutions ne languissent pas, ma chère. Ma nièce, tout le monde est à présent convaincu qu’il n’y a rien à espérer de vous par la voie de la douceur et de la persuasion. Votre mère ne veut pas que vous demeuriez ici plus long-temps, parce que, dans la colère où votre étrange lettre a jeté votre père, elle craint ce qui peut vous arriver. Ainsi, l’on vous ordonne de vous tenir prête à partir sur le champ pour vous rendre chez votre oncle Antonin, qui ne croit pas avoir mérité de vous la répugnance que vous marquez pour sa maison. Vous ne connaissez pas le méchant homme en faveur duquel vous ne faites pas difficulté de rompre avec tous vos amis. On vous défend de me répondre. Ce serait éterniser d’inutiles répétitions.