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Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/292

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En sortant, il a paru comme frappé d’une réflexion qui lui survenoit. Comment puis-je vous laisser ici, ma chère, vous dont la présence répand la joie dans cette maison ? Il est vrai qu’on ne vous attend point en bas ; mais je suis tenté de surprendre votre père et votre maman… si je croyais du moins qu’il n’arrivât rien de désagréable ! Ma nièce, ma chère Clary, qu’en dites-vous ? (auriez-vous cru, chère Miss Howe, que mon oncle fût capable de cette dissimulation ?) voulez-vous descendre avec moi ? Voulez-vous voir votre père ? Aurez-vous le courage de soutenir son premier mécontentement, à la vue d’une chère fille, d’une chère nièce, qui a causé tant d’embarras à tout le monde ? Pouvez-vous promettre que l’avenir ?… il s’est aperçu que ma patience commençait à se lasser. Au fond, ma chère, a-t-il repris, si vous ne vous sentez pas encore une parfaite résignation, je ne voudrais pas vous engager dans une démarche… mon cœur, partagé entre le respect et le ressentiment, était si plein, que j’avais peine à respirer. Vous savez, ma chère amie, que je n’ai jamais pu supporter d’être bassement traitée. Et quoi, monsieur ! Lui ai-je dit, en exclamations entrecoupées : vous, mon oncle ! Vous ! Comment se peut-il, monsieur… comment pouvez-vous… votre pauvre amie, ma chère, n’a pas eu la force de donner plus de liaison à ses idées. J’avoue, chère Clary, a répondu mon oncle, que, si vous n’êtes pas déterminée à la soumission, le meilleur parti est de demeurer où vous êtes. Mais après le témoignage que vous avez donné… le témoignage que j’ai donné ! Quel témoignage, monsieur ? Eh bien, eh bien, chère nièce, si vous êtes si sensible au chagrin d’avoir été renfermée, il vaut mieux demeurer encore où vous êtes. Mais cette petite disgrâce finira bientôt. Adieu, ma chère Clary. Je n’ajoute que deux mots : soyez sincère dans votre soumission, et continuez de m’aimer comme vous avez toujours fait ; je vous réponds que les bienfaits de votre grand-père ne surpasseront pas les miens. Il s’est hâté de descendre, sans me laisser le tems de répliquer, comme dans la joie d’être échappé et d’avoir fini son rôle. Ne voyez-vous pas, ma chère, à quel point ils sont déterminés, et combien j’ai raison de trembler pour mardi ? Il est évident pour moi qu’ils croient avoir obtenu quelque avantage par le consentement que j’ai donné à cette entrevue. Quand il m’en serait resté quelque doute, les nouvelles impertinences de Betty achèveraient de le détruire. Elle ne cesse de me complimenter sur ce qu’elle appelle le grand jour, et sur la visite de mon oncle. Les difficultés, dit-elle, sont plus d’à demi vaincues. Elle est sûre que je n’aurais pas consenti à voir M Solmes, si je n’étais résolue de l’accepter. Elle va se trouver plus d’occupation qu’elle n’en a eu depuis quelque tems. Les préparatifs de nôce lui plaisent beaucoup ; qui sait si mon mariage ne sera pas bientôt suivi d’un autre ? J’ai trouvé, dans le cours de l’après-midi, une réplique de M Lovelace à ma dernière réponse. Elle est remplie de promesses, remplie de reconnaissance, d’ éternelle reconnaissance ; c’est son expression favorite, entre plusieurs autres qui ne sentent pas moins l’hyperbole. Cependant, de toutes les lettres d’homme que j’ai vues, les siennes sont celles où j’ai trouvé le moins de ces magnifiques absurdités. Je n’en aurais pas plus d’estime pour lui, s’il affectait d’en employer beaucoup. Ce langage me paraît