Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/468

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pour une réconciliation ; et de presser son départ, comme une démarche nécessaire pour commencer le traité. Il s’est donné de grands airs à cette occasion, ne doutant pas, m’a-t-il dit, qu’il ne fût le premier de mes sacrifices. Ensuite il s’est expliqué sur mon frère en termes fort libres, sans faire plus de grâce à mon père même. Si peu de considération pour moi, ma chère ! Il est vrai, comme je le lui ai reproché, que telle a toujours été sa politesse, et qu’il n’a jamais cessé de traiter ma famille avec mépris. Je ne l’ignorais pas : que je suis coupable d’avoir entretenu la moindre correspondance avec lui ! Mais apprenez, monsieur, lui ai-je dit, que, si votre naturel violent et votre mépris pour moi vous font ménager si peu mon frère, je ne souffrirai pas que vous me parliez mal de mon père. C’est assez, sans doute, que ma désobéissance ait fait le malheur de sa vie, et qu’une fille qu’il aimait si tendrement ait été capable de l’abandonner. L’entendre injurier par l’auteur de ses peines, c’est ce que je ne supporterai jamais. Il s’est jeté sur sa propre justification ; mais dans des termes, comme je lui en ai fait encore un reproche, qu’une fille ne devait pas se permettre d’entendre, et qu’un homme qui prétendait à cette fille devait se permettre encore moins de prononcer. Enfin, me voyant tout-à-fait indignée, il m’a demandé pardon, quoiqu’avec assez peu d’humilité. Mais, pour changer de sujet, il m’a parlé ouvertement des deux lettres qu’il avait reçues, l’une de Miladi Lawrance, l’autre de Miss Montaigu ; et, sans attendre ma réponse, il m’en a lu quelques articles. Pourquoi cet étrange homme ne me les montra-t-il pas hier au soir ? Appréhendait-il de me causer trop de plaisir ? Miladi Lawrance s’exprime, par rapport à moi, de la manière la plus obligeante. " elle l’exhorte à tenir une conduite qui puisse m’engager à recevoir bientôt sa main. Elle me fait ses complimens, avec une vive impatience, dit-elle, d’embrasser, en qualité de nièce, une personne si vantée ; c’est sa flatteuse expression. Elle se croira honorée de l’occasion de m’obliger. Elle espère que la cérémonie ne sera pas différée trop long-temps, parce que cette heureuse conclusion sera, pour elle, pour Milord M et pour Miladi Sadlair, un témoignage sûr du mérite et des bonnes dispositions de leur neveu. Elle assure qu’elle a toujours pris un vif intérêt aux peines que j’ai essuyées à son occasion ; qu’il serait le plus ingrat de tous les hommes s’il ne s’efforçait pas de m’en dédommager ; qu’elle regarde comme un devoir, pour toute leur famille, de suppléer à la mienne ; et que, de sa part, elle ne me laissera rien à désirer. Le traitement que j’ai reçu de tous mes proches serait plus surprenant, lui fait-elle observer, sur-tout avec tous les avantages qu’il possède du côté de la nature et de la fortune, s’il ne fallait l’attribuer à ses propres négligences ; mais, à présent qu’il est le maître d’établir à jamais son caractère, elle se flatte qu’il convaincra les Harlove, qu’on avait jugé plus mal de lui qu’il ne le mérite ; ce qu’elle demande au ciel, pour son honneur, et pour celui de leur maison. Enfin, elle souhaite d’être informée de notre mariage immédiatement après la cérémonie, pour être des premières et des plus ardentes à m’en féliciter ". Elle ne m’invite pas directement à me rendre chez elle avant la célébration, quoique j’eusse pu m’y attendre, après ce qu’il m’avait dit. Il m’a fait lire ensuite une partie de la seconde lettre, où Miss Montaigu le félicite " d’avoir