Page:Richardson - Clarisse Harlove, I.djvu/533

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J’ai dit que ma mère me chagrine beaucoup : mais j’aurais pu dire, dans vos termes, qu’elle m’a comme décomposée . Croiriez-vous qu’elle prétend catéchiser Hickman, pour la part qu’elle lui suppose à notre correspondance ; et qu’elle le catéchise très-sévèrement, je vous en assure ? Je commence à croire que je ne suis pas sans quelque sentiment de pitié , pour le pitoyable personnage ; car je ne puis souffrir qu’il soit traité comme un sot par tout autre que moi. Entre nous, je crois que la bonne dame s’est un peu oubliée. Je l’ai entendue crier très-haut. Elle s’est peut-être imaginé que mon père était revenu au monde. Cependant la docilité de l’homme devrait la détromper ; car je m’imagine, en me rappelant le passé, que mon père aurait parlé aussi haut qu’elle. Je sais que vous me blâmerez de toutes ces impertinences ; mais ne vous ai-je pas dit qu’on me chagrine ? Si je ne m’en ressentais pas un peu, on pourrait douter de qui je suis fille, des deux côtés. Cependant vous ne devez pas me gronder trop sévèrement ; parce que j’ai appris de vous à ne pas défendre mes erreurs. Je reconnais que j’ai tort ; et vous conviendrez que c’est assez : ou vous ne seriez pas aussi généreuse ici que vous l’êtes toujours. Adieu, ma chère. Je dois, je veux vous aimer, et vous aimer toute ma vie. Je le signe de mon nom. Je le signerais de mon sang, comme le plus cher et le plus saint de tous les devoirs. Anne Howe.



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

jeudi, 27 avril. Un juste intérêt m’a fait approfondir si vos parens étoient sérieusement résolus, avant votre départ, de renoncer à leurs mesures, comme votre tante ne fait pas difficulté de vous en assurer dans sa lettre. En rapprochant différentes informations ; les unes tirées de ma mère, par les confidences de votre oncle Antonin ; les autres de votre sœur, par Miss Loyd ; et quelques-unes, par une troisième voie, que je ne vous nommerai point à présent ; j’ai raison de croire que je puis vous donner le récit suivant pour une vérité certaine. On n’avait aucune disposition à changer de mesures, jusqu’aux deux ou trois derniers jours qui ont précédé votre départ. Au contraire, votre frère et votre sœur, quoique sans espérance de l’emporter en faveur de Solmes, étoient résolus de ne se relâcher de leurs persécutions, qu’après vous avoir poussée à quelque démarche qui, avec le secours de leurs bons offices, vous aurait fait juger indigne d’excuse par les êtres à demi-raisonnables qu’ils avoient à faire mouvoir. Mais enfin, votre mère, lasse, et peut-être honteuse, du rôle passif qu’elle avait joué jusqu’alors, prit le parti de déclarer à Miss Arabelle, qu’elle était déterminée à mettre tout en usage pour finir les divisions domestiques, et pour engager votre oncle Harlove à seconder ses efforts. Cette déclaration alarma votre frère et votre sœur. Ce fut alors qu’on résolut de changer quelque chose au premier plan. Les offres de Solmes étoient néanmoins trop avantageuses pour être abandonnées : mais on prit un nouveau tour, qui fut d’engager votre père à des excès de bonté