Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/132

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vous, monsieur, m’a dit la majestueuse Clarisse, d’un ton solemnel ; quittez une posture que vous ne prenez que trop aisément, et ne vous moquez pas de moi. Une posture, ai-je dit en moi-même, qui me paraît toucher peu ma fière déesse ; mais elle ne sait pas tout ce que cette posture m’a fait obtenir de son sexe, ni combien de fois on m’a pardonné des entreprises assez hardies ; lorsque j’ai demandé grâces à genoux. " me moquer de vous, madame ! ô dieu !… " je me suis levé. J’ai recommencé à la presser pour le jour. Je me suis blâmé moi-même d’avoir fait à Milord M une invitation qui pouvait m’exposer à quelque retardement, à cause de ses infirmités. Je lui ai dit que j’écrirais à ce vieil oncle pour lui faire mes excuses ; que je lui marquerais le jour qu’elle aurait la bonté de me fixer ; et que, s’il ne pouvait arriver à tems, nous prendrions le parti de ne pas l’attendre. Mon jour, m’a-t-elle répondu fièrement, c’est jamais. Ce langage, monsieur, ne doit pas vous surprendre. Une personne de quelque politesse, qui jugerait entre nous, n’en serait point étonné. Mais, en vérité, Monsieur Lovelace, (pleurant d’impatience) ou vous ne savez guère comment il convient de traiter avec un esprit un peu délicat, malgré votre naissance et votre éducation, ou vous êtes un ingrat. Pire qu’un ingrat, a-t-elle ajouté après un moment de réflexion. Je me retire. Je vous verrai demain matin. Il m’est impossible de vous voir plutôt. Je crois que je vous hais… vous me regardez en vain ; je crois réellement que je vous hais ; et si je me confirme dans cette idée par le nouvel examen que je vais faire de mon cœur, je ne voudrais pas, pour le monde entier, que les affaires fussent poussées plus loin entre nous. J’étais trop chagrin, trop déconcerté, pour l’empêcher de se retirer. Cependant elle ne serait pas sortie si Dorcas n’avait pas toussé. Cette fille est venue à moi aussi-tôt que sa maîtresse lui a laissé la liberté de descendre. Elle m’a donné la copie qu’elle venait de faire. Que pouvait-ce être qu’une réponse à mes articles, que l’admirable Clarisse se proposait apparemment de me donner, quoiqu’elle ne m’en eût pas parlé ? Je n’ai fait que parcourir ce touchant écrit. Je n’aurais pas fermé l’œil de toute la nuit, si je l’avais lu plus attentivement. Demain, j’en ferai le sujet de mes sérieuses méditations.



M Lovelace, à M Belford.

mardi matin, 23 de mai. La chère personne me fait prier de remettre notre entrevue à l’après-midi. Dorcas me dit qu’elle n’est pas bien. Lis, si tu veux, le papier que Dorcas a transcrit, il me serait impossible de continuer mes projets contre cette admirable fille, si je n’étais résolu, après quelques autres épreuves, aussi noblement soutenues que celle dont je t’ai rendu compte, d’en faire légitimement ma femme ; supposé du moins qu’elle ne me haïsse pas. à M Lovelace. lorsqu’