Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/153

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qui est de l’invention de Miss Howe. Il ne faut pas douter que, si je fais une tentative sans succès, ma charmante n’entreprenne l’impossible pour s’échapper d’entre mes mains. Je m’étais persuadé autrefois qu’elle m’aimait ; mais j’en doute à présent, ou du moins que ce soit avec une ardeur , pour employer le terme de Miss Howe, qui la rende capable de me pardonner des fautes préméditées. Et que me servira d’être malade ? écoute-moi jusqu’à la fin. Mon intention n’est pas d’être aussi mal que Dorcas le représentera. Cependant je haleterai prodigieusement. Je rendrai un peu de sang caillé. Sûrement je me serai rompu quelque vaisseau. On n’en pourra point douter. On fera venir de l’eau stiptique d’ eaton

mais

aucun médecin ne paraîtra. Si ma belle a quelque sentiment d’humanité, elle ne manquera pas de s’alarmer : mais si son cœur est pris, si c’est de l’amour qu’elle ressent, quelque refroidi qu’il puisse être, il se produira dans cette occasion, il éclatera non-seulement dans ses yeux, mais dans chaque trait de son charmant visage. Je serai fort intrépide. Je ne redouterai pas la mort, ni aucune suite de mon accident. Je parlerai en homme sûr d’être mieux dans une heure ou deux, pour avoir déjà fait une heureuse expérience de ce remède balsamique à l’occasion d’une chûte qui m’est arrivée à la chasse, et dont ma maladie est vraisemblablement un reste ; cette conduite, tandis que tout le monde paraîtra fort alarmé de ma situation, fera voir à la belle que je n’en ai pas la moindre inquiétude, et que je n’ai par conséquent aucun dessein. Tu commences sans doute à juger mieux de mon invention. Je m’y suis attendu lorsque j’aurais achevé de m’expliquer. Une autre fois, que tes yeux soient prêts à lire des merveilles, et ton esprit à bannir tous les doutes. à présent, Belford, si ma charmante n’est pas extrêmement touchée de me voir un vaisseau rompu, mal fort dangereux dans une constitution aussi ardente qu’on connaît la mienne, et que j’attribuerai, d’un air calme, aux agitations et aux chagrins que j’ai essuyés depuis quelque temps ; ce qui doit passer à ses yeux pour une nouvelle preuve de mon amour, et m’attirer quelque sentiment de reconnaissance… quoi ? Qu’arrivera-t-il ? Ce qui arrivera ? Je ne serai pas combattu alors par des remords trop vifs si je prends le parti d’employer un peu de violence ; car celle qui ne marque point de compassion n’en doit pas attendre. Mais si son inquiétude paraît extrême ? Alors je serai dans l’espérance de bâtir sur un bon fondement. L’amour cache une multitude de fautes, et diminue celles qu’il ne peut cacher. L’amour, lorsqu’il est découvert et reconnu, autorise les libertés. Une liberté en produit une autre. Enfin je verrai alors où cette ouverture pourra me conduire. Fort bien, Lovelace ; mais avec cette force de santé, et ce visage fleuri, comment persuader à quelqu’un que tu sois malade ? Comment ? Quelques grains d’ipécacuanha feront l’affaire… c’est assez pour me faire haleter comme une furie. Mais le sang ? Comment rendre du sang, si je ne me fais une blessure réelle ? Pauvre Belford ! Ignores-tu donc qu’il se trouve des pigeons et des poulets chez le premier rôtisseur ? Joins