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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/185

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et même à son affection, que je puis entreprendre ce que je veux, au risque d’apporter la violence de ma passion pour excuse. Pourquoi non ? Disent-elles. N’a-t-elle pas passé pour ma femme aux yeux de toute la maison ? Et le chemin de la réconciliation avec ses amis, n’est-il pas ouvert ? Prétexte qui a retardé la consommation. Elles me pressent aussi de tenter mon entreprise pendant le jour, puisqu’il est si difficile de mettre la nuit dans mes intérêts. Elles me représentent que la situation de notre logement ne doit pas me faire appréhender que les cris soient entendus dehors. Je n’ai pas toujours été si timide, m’a dit effrontément Sally, en me jetant son mouchoir au visage.



M Lovelace, à M Belford.

vendredi, 2 de juin. Malgré ma politesse et mes complaisances étudiées, et quoique jusqu’à présent j’aie manqué de courage pour lever le masque, il m’est arrivé plus d’une fois, depuis quelques jours, d’obliger ma charmante à regarder autour d’elle, par les ardens témoignages de ma passion. Je l’ai réduite à confesser que je ne lui suis rien moins qu’indifférent. Mais, lorsque je l’ai pressée de reconnaître de l’amour, quel besoin de cet aveu, m’a-t-elle dit, de la part d’une femme qui consent à se marier ? Et me repoussant une fois avec chagrin, elle m’a prié de faire attention que la preuve du véritable amour, était le respect. J’ai entrepris de me défendre : elle m’a répondu que l’idée qu’elle avait été capable de se former d’une passion vicieuse, ressemblait, à ce que je lui faisais voir de la mienne. Je ne me suis pas moins efforcé de justifier mes sentimens, en l’accusant elle-même d’un excès de délicatesse. Ce n’était pas mon défaut, m’a-t-elle repliqué, si c’était le sien. Là-dessus, elle m’a reproché quelques libertés innocentes que je me suis cru en droit de prendre aux yeux de nos hôtesses, parce qu’elles nous supposent mariés. J’ai souffert assez impatiemment cette leçon ; et j’ai souhaité de voir arriver l’heureux jour où je n’aurais plus à combattre une réserve qui n’a jamais eu d’exemple. Elle m’a regardé avec une sorte de confusion, qui m’a paru accompagnée d’un air de mépris. Je lui en ai demandé la raison, lorsque je n’avais aucune offense à me reprocher. Ce n’est pas la première fois, m’a-t-elle répondu, que j’ai eu sujet de me plaindre de vous, tandis que vous vous êtes cru peut-être au-dessus des reproches. Mais, je vous déclare qu’à mes yeux l’état du mariage est un état de pureté. Je ne sais si elle ne m’a pas dit, n’est pas un état de licence . C’est du moins ce que j’ai cru recueillir de ses expressions. La pureté du mariage, Belford ! Rien de si comique. Sexe délicat ! Cependant la moitié du monde femelle est prête à s’enfuir avec un libertin, sans autre raison que parce qu’il est un libertin ; et souvent avec toutes sortes de raisons contre leur choix. Toi et moi, n’avons-nous pas vu de jeunes femmes qui voulaient passer pour modestes, et qui auraient été d’une réserve infinie dans l’état de filles, permettre en public, à leurs avides maris, des libertés qui faisaient craindre qu’elles n’eussent oublié tous les devoirs de la prudence et de la modestie, tandis que tous les spectateurs modestes