Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moi, laissez-moi sur le champ ! Je vous conjure de me laisser ; jetant un œil distrait et confus, tantôt autour d’elle, tantôt sur elle-même. Pardonnez-moi, très-chère Clarisse, d’innocentes libertés, que l’excès de votre délicatesse vous fait trouver offensantes. Ah ! Laissez-moi, laissez-moi ; se regardant encore, et regardant autour d’elle avec une douce confusion. Sortez, sortez : et se remettant à pleurer, elle a fait tous ses efforts pour retirer ses mains, que je n’avais pas cessé de tenir dans les miennes. Que de nouveaux charmes, à présent que je me les retrace, cette agitation donnait à chaque partie, à chaque trait du plus beau corps du monde ! Je ne puis sortir, lui ai-je répondu, je ne sortirai point, si vous ne prononcez mon pardon. Dites seulement que vous me pardonnez. Dites, ma très-chère vie ! Au nom du ciel, sortez. Laissez-moi le tems de penser à ce que je puis, à ce que je dois. Ce n’est point assez, mon cher amour. Il faut me dire que je suis pardonné ; que vous me verrez demain, comme s’il n’était question de rien. Alors je l’ai reprise dans mes bras, espérant, au fond, qu’elle s’obstinerait à me refuser. Mais elle s’est hâtée de répondre : eh bien, je vous pardonne, misérable que vous êtes ! Quoi, chère Clarisse ! C’est avec cette répugnance, avec un mêlange de reproche, que vous m’accordez la grâce que je vous demande, lorsque je serais le maître… et j’ai recommencé à la serrer contre mon sein. Eh bien ! Je vous pardonne. Du fond du cœur ? Oui, du fond du cœur. Et librement ? Librement. Et me regarderez-vous demain comme s’il n’était rien arrivé ? Oui, oui. Ce ton, chère Clarisse, me rend l’intention suspecte. Dites-moi que vous me le promettez sur votre honneur. Eh bien ! Sur mon honneur. Sortez donc à présent ; sortez, et que jamais… que veut dire ce jamais , ma chère vie ? Est-ce là pardonner ? Que jamais, a-t-elle repris, cette cruelle scène ne soit rappelée. J’ai insisté sur un baiser, pour sceller mon pardon ; je me suis retiré comme une véritable dupe, ou, si tu veux, comme le jouet d’une femme. Je me suis retiré d’assez mauvaise humeur. T’attendais-tu à cette conclusion ? Mais, je ne me suis pas plutôt vu dans mon appartement, que, réfléchissant à l’occasion que je venais de perdre, considérant que je n’avais fait qu’augmenter mes propres difficultés, et m’exposer à la raillerie des femmes de la maison, qui me reprocheraient une foiblesse si éloignée de mon caractère, je me suis repenti de ma folle pitié, et je suis retourné promptement sur mes pas, dans l’espérance que le trouble où je l’avais laissée ne lui aurait pas permis de fermer sitôt sa porte, et résolu d’exécuter tous mes projets, quelles qu’en pussent être les suites. J’ai poussé