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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/221

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apparence de trouble ou d’empressement. Cependant elle paroissait fort grave, et souvent elle portait son mouchoir à ses yeux. Will a feint d’exécuter cette commission comme la première. Mais quoique le misérable ait eu l’esprit de se défier de quelque chose, en recevant un second ordre de sortir, et pour m’apporter une lettre, à moi qu’elle avait refusé de voir, les femmes, auxquelles il a communiqué ses soupçons, l’ont traitée de visionnaire, sur-tout Dorcas, qui les assurait que sa maîtresse était trop abattue pour former des entreprises hardies, et qu’elle lui croyait même la tête un peu affoiblie par le jeûne et la douleur. D’ailleurs, elles se reposaient toutes sur son peu d’expérience, sur la candeur de son naturel, sur ce qu’elle n’avait pas marqué le moindre dessein de faire venir un carrosse ou une chaise, comme il lui était arrivé plusieurs fois, mais encore plus sur les préparatifs qu’elle avait faits pour ce que j’ai nommé son siège. Will est sorti pour garder les apparences : cependant il s’est hâté de retourner. Ses soupçons n’étoient pas diminués. Il n’oubliait pas non plus que je lui ai recommandé souvent de ne pas s’en rapporter à ses propres idées, lorsqu’il a des ordres positifs ; et si quelque circonstance que je n’ai pu prévoir lui fait naître du doute, de s’attacher littéralement à les suivre, comme le seul moyen de justifier sa conduite. C’est dans un intervalle si court qu’il faut qu’elle soit échappée ; car, immédiatement après le retour de Will, on a fermé soigneusement la porte de la rue et celle de la cour. La vieille et ses deux nymphes ont pris ce temps pour aller faire un tour au jardin. Dorcas est montée au second ; et Will, craignant que son absence ne parût trop courte, s’est retiré dans la cuisine, pour éviter de se faire voir ou de se faire entendre. Il ne s’était passé qu’une demi-heure, lorsque Dorcas, appréhendant, dit-elle, que sa maîtresse ne fût capable d’entreprendre quelque chose contre elle-même, dans l’humeur sombre où elle se souvenait de l’avoir laissée, est descendue, par un simple mouvement de curiosité, pour jeter les yeux au travers de la serrure. Elle y a trouvé la clé. Comme rien n’était moins ordinaire, sa surprise l’a fait frapper deux ou trois fois ; et n’entendant point de réponse, elle a ouvert. Madame, madame, appelez-vous ? Elle la supposait dans son cabinet. Rien ne se faisant entendre, elle est entrée ; elle n’a trouvé personne. Dans le premier étonnement, elle a couru vers la salle à manger, dans mon appartement, dans tous les cabinets, l’imagination remplie de sa crainte, qui lui représentait déjà quelque fatale catastrophe. Enfin, ne la trouvant nulle part, elle est descendue au jardin ; elle a demandé à la vieille et à ses nymphes, si elles avoient vu madame… hé bien ! Madame est partie ; madame a disparu. Nous sommes sûres, ont-elles répondu toutes ensemble, qu’elle ne peut être sortie de la maison. Dans un instant tout a paru bouleversé, en-haut, en-bas, depuis les greniers jusqu’aux caves, chacun criant, dans cette confusion : comment oserons-nous paraître devant lui ? Will a répété vingt fois qu’il était un homme mort. Il a fait des reproches ; il en a reçu. L’un accusait l’autre ; tout le monde cherchait à s’excuser. Après avoir visité inutilement toute la maison, et recommencé dix fois leurs recherches, ils se sont avisés d’aller à toutes les chaises, à tous les