Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/303

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devant les femmes une sorte de confirmation au rapport de notre mariage. Elle n’ignorait pas, lui a-t-il dit, que, pour entrer dans les vues de son oncle, il en avait déjà semé le bruit ; et que cette nouvelle ayant été jusqu’à Milord M et Miladi Lawrance, il avait été obligé de la soutenir par un nouveau témoignage. Son frère étant résolu de la voir à toutes sortes de prix, pouvait découvrir sa retraite, et s’adresser aux femmes de la maison, pour se faire expliquer la vérité de mes engagemens. Elle voyait parfaitement qu’il n’avait pu se dispenser de tenir ici le même langage. Son embarras n’avait pas été médiocre, parce qu’il n’aurait pas voulu, pour tout l’or du monde, qu’on le crût capable de duplicité ou de mauvaise foi : et c’était le motif qui lui avait fait souhaiter si vivement une conversation particulière avec elle. Il était vrai, a-t-elle répondu, qu’elle avait consenti à cet expédient, dans l’opinion qu’il venait de son oncle, et, s’imaginant peu qu’il dût l’engager dans un si grand nombre d’erreurs. Cependant elle aurait dû ne pas ignorer qu’une erreur en amène toujours d’autres à sa suite. M Lovelace lui avait fait vérifier cette maxime, dans plus d’une occasion ; et c’était une remarque du capitaine même, dans une des lettres qu’on lui avait fait lire hier. Il se flattait, a-t-il répliqué, qu’elle n’avait aucune défiance de lui, aucun doute de son honneur. Si je vous suis suspect, madame, si vous me croyez capable… quelle idée ! Dieu tout-puissant ! Quelle idée vous auriez de moi ! Non, monsieur. Dans une occasion de cette nature, il n’y a pas d’homme au monde que je puisse soupçonner. Vous ne m’êtes pas suspect. S’il était possible qu’il y eût un tel homme au monde, ce ne serait pas M Tomlinson, le père de plusieurs enfans, un homme d’ âge, de sens et d’expérience. (le coquin m’a confessé qu’en recevant cet injuste éloge, il s’était senti comme percé jusqu’au fond du cœur, par un trait des yeux de ma déesse, et qu’il n’avait pu se défendre de trembler. Le remords d’une conscience foible, Belford, et rien de plus. J’ai fait plus d’une fois la même expérience, dans quelques-uns de mes entretiens avec cette pénétrante fille). Son oncle, a-t-elle continué, n’était pas accoutumé à ces malheureux expédiens ; mais elle avait attribué sa conduite à la singularité de l’occasion, et à ses égards forcés pour l’honneur d’une nièce. Cette explication a mis le capitaine à l’aise, et lui a rendu le courage. Elle lui a demandé s’il croyait que Miladi Lawrance et Miss Montaigu pensassent à lui rendre une visite. Il a protesté qu’il n’en doutait pas. Et M Lovelace peut-il s’imaginer, a-t-elle repris, que je me laisse engager à confirmer devant ces dames le bruit que vous avez répandu ? (mon espérance, Belford, avait été de l’y engager en effet, sans quoi je ne lui aurais pas fait voir leurs lettres : cependant j’avais dit au capitaine que je croyais devoir abandonner ce point). Il a répondu qu’il me croyait fort éloigné de cette pensée, et que mon dessein, comme il le savait de moi-même, était de leur déclarer en confidence le fond de la vérité. Ensuite, revenant sans affectation à M Jules, il lui a dit que ce digne oncle et ce cher ami avoient déjà fait quelques démarches pour une réconciliation générale. Aussitôt, madame, qu’il sera informé de votre mariage réel, il se hâtera d’entrer en conférence avec votre père ; car il n’a pas attendu jusqu’