Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/333

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Elle n’est pas encore informée de votre heureuse évasion. J’attendrai, avec une extrême impatience, comment vous vous serez arrangée avec Madame Towsend. Vous vous persuaderez aisément qu’il n’a pas dépendu de moi de vous l’envoyer plutôt. Je me repose sur elle de tout ce que je pourrais vous dire ou vous conseiller de plus ; et je finis par des vœux ardens pour la sûreté présente et le bonheur futur de ma très-chère amie. Ne manque point, Belford, de me renvoyer cette lettre aussitôt que tu l’auras lue. Confesse à présent que je suis dans le chemin de la justice.



M Lovelace, au même.

dimanche au soir, et lundi matin. Rappelle-toi les circonstances. Je suis descendu avec la vengeance dans le cœur, uniquement rempli de la lettre de Miss Howe ; mais le visage néanmoins aussi doux, aussi tranquille, aussi serein que j’avais pu le prendre dans mon miroir, et les manières aussi polies qu’un homme aussi impoli que moi, comme on me l’a souvent reproché, est capable de les avoir. On était venu rappeler Miss Rawlings presque aussitôt qu’elle était arrivée, pour quelques personnes qui lui rendaient chez elle une visite imprévue. J’ai remarqué, dans les yeux de ma charmante et dans les siens, que ce contre-tems leur déplaisait ; et j’ai su qu’effectivement elles s’étoient proposé d’aller prendre l’air sur la colline, si je partais pour Londres, comme j’en avais marqué le dessein : et dieu sait quel aurait été le fruit de cette promenade, si la curiosité de l’une s’était rencontrée avec l’esprit communicatif de l’autre. Miss Rawlings a promis de revenir promptement. Mais ensuite elle a fait faire ses excuses, parce que la visite était pour toute la soirée. J’ai regardé ce message comme un coup de fortune pour moi ; et j’ai tourné tous mes soins à me ménager quelques momens de conversation avec ma déesse. Quoique je l’aie trouvée inébranlable dans ses résolutions, et qu’elle m’ait renvoyé constamment à la réponse de Miss Howe, je n’ai pas tiré peu d’avantage de cette conférence. Elle a consenti du moins à voir ma tante et Charlotte, si ces deux dames arrivaient dans un jour ou deux, c’est-à-dire, avant la lettre dont elle fait dépendre son sort et le mien. J’en ai remercié le ciel. à présent, ai-je dit en moi-même, je puis aller à Londres, avec l’espérance, ma chère, de te retrouver où je te laisse. Cependant je me fierai d’autant moins à ta parole, qu’il pourrait t’arriver, dans mon absence, quelque bonne raison d’y manquer. Will, qui ne quittera pas la maison, et qui sera informé de tes moindres démarches par la généreuse bonté de Madame Bévis, aura l’honnête André et un cheval prêt, pour me donner sur le champ les avis nécessaires ; et de quelque côté que tu puisse tourner, je t’assure qu’il fera partie de ton cortège, sans que tu saches, à la vérité, l’honneur que je lui procure. Voilà, pour toute faveur, ce que j’ai pu tirer de mon inexorable. Dois-je m’en réjouir ou m’en affliger ? Ma foi ! Je m’en réjouis. Cependant mon orgueil est furieusement humilié, lorsque je songe combien j’ai peu de part à l’affection de cette fille des Harloves.