Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/336

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dans l’entretien l’un de l’autre, en nous racontant les difficultés et les périls que nous aurions essuyés. Parle de bonne foi, Belford ; je m’imagine que tu soupçonnes quelques endroits de cette lettre d’être écrits à Londres. Je ne désavoue pas que l’air de la ville ne soit un peu plus épais que celui de Hamstead, et la conversation de Madame Sinclair et de ses nymphes moins innocente que celle de Madame Moore et de Miss Rawlings. Il me semble au fond du cœur que je puis écrire et parler dans une des deux maisons comme je n’en serais pas capable dans l’autre. Je suis arrivé à Londres ce matin, vers sept heures, et j’ai commencé par distribuer mes ordres et mes instructions. Avant que de quitter Hamstead, j’avais fait demander la faveur d’un moment d’audience. J’étais curieux de voir laquelle de ses aimables contenances ma charmante aurait prise, après avoir passé tranquillement une seconde nuit ; mais je l’ai trouvée résolue de demeurer en querelle ouverte ; elle ne m’a pas même accordé le pouvoir de solliciter encore une fois ma grâce avant l’arrivée de Miladi Lawrance et de ma cousine. Cependant j’avais reçu avis de mon procureur, par un homme à cheval, que tous les obstacles étoient levés depuis deux jours, et que je pouvais aller prendre la permission ecclésiastique. J’ai envoyé sa lettre à ma charmante par Madame Bévis. Cette nouvelle n’a pu me faire ouvrir l’entrée de sa chambre. Il est tems, Belford, de mettre en mouvement toutes mes machines.



M Lovelace, au même.

à présent que l’action s’échauffe, je serai bientôt délivré de l’engagement où je me suis mis de te rendre un compte si exact de toutes mes démarches. J’ai la permission ecclésiastique. Madame Towsend, avec tous ses matelots, doit être à Hamstead mercredi ou jeudi prochain. Il peut arriver une autre lettre, ou peut-être un nouveau messager de Miss Howe, pour s’informer de la santé de son amie, sur le rapport du paysan, et pour lui marquer son étonnement de n’avoir rien reçu d’elle. Tu vois qu’il n’y a plus d’instans à perdre : il faut que la belle saute, ou moi. Aussi je me dispose à partir pour Hamstead avec Miladi Lawrance et ma cousine Montaigu, dans une berline à quatre ou à six chevaux ; car miladi ne ferait pas un voyage de deux ou trois milles autrement ; c’est une partie assez connue de son caractere. à l’égard des armes sur la berline, ne sais-tu pas que pendant que ma tante est à la ville, elle profite de l’occasion pour faire redorer la sienne, et qu’elle en prend une de remise ? On ne fait rien à son gré dans les provinces. La livrée approche beaucoup de la sienne. Tu as vu plusieurs fois Miladi Lawrance, n’est-ce pas, Belford ? Jamais, me réponds-tu. Tu l’as vue, te dis-je, et tu as même eu part à ses faveurs, ou la renommée te fait plus d’honneur que tu ne mérites. Ne connais-tu pas son autre nom ? Son autre nom, t’entends-je répondre. En a-t-elle deux ? Oui, Belford. Tu ne te souviens pas de Miladi Barbe Wallis ? Du diable ! T’écries-tu. C’est elle-même. Tu sais que Barbe Wallis, élevée dans une abondance dont il ne lui reste que l’orgueil, ne paraît et ne se produit guères que dans les occasions extraordinaires, c’est-à-dire, lorsqu’il est question, suivant le prix, de passer pour une femme de qualité. On a toujours admiré