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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/339

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pitié : souviens-toi de la manière dont elle t’a traité dans sa dernière lettre, et de tous les outrages qu’elle t’a fait essuyer à Hamstead. N’oublie pas la préférence qu’elle donne au célibat sur ton amour ; qu’elle te méprise ; qu’elle va jusqu’à refuser d’être ta femme. Ton cœur orgueilleux refusé par une femme ! Refusé, avec plus d’orgueil encore, par une fille des Harloves, tandis que deux dames de ta maison (c’est du moins l’opinion qu’elle en a,) la supplient en vain d’accorder le retour de son affection à leur parent méprisé, et prennent la loi de son humeur hautaine ! Rappelle-toi, d’autre part, les imprécations de son audacieuse amie, qui ne viennent que de ses représentations, et dont la peine doit retomber par conséquent sur elle-même : rappelle-toi plus particulièrement le complot de la Towsend, qui a pris naissance entre ces deux filles, qui doit éclater dans un jour ou deux ; et n’oublie pas les humiliantes menaces de la petite furie. L’heure de l’épreuve n’est-elle pas arrivée ? Ne suis-je pas au moment que je me suis efforcé d’annoncer, par tant de peines, de dépenses et d’inventions ? Est-il besoin de jeter les offenses de sa maudite famille dans la balance ? J’abhorre la force. Je me souviens de l’avoir dit : il n’y a point de triomphe sur la volonté dans la force. Mais ne l’aurais-je pas évitée, si je l’avais pu ? N’ai-je pas essayé toutes les autres méthodes ? Me reste-t-il d’autre ressource ? Son ressentiment peut-il aller plus loin pour le dernier outrage, qu’elle ne le pousse pour une entreprise puérile ? à quelque excès que je le suppose, n’ai-je pas une réparation présente dans l’offre du mariage ? Elle ne la refusera pas ; j’en suis sûr, Belford. La fière beauté ne refusera rien lorsqu’elle verra son orgueil abattu, lorsqu’elle sentira que ses récits, ses plaintes, et toutes ses affectations de résistance, seront suspects à son propre sexe, et lorsque sa modestie, en remplissant son cœur de ressentiment, n’en aura pas moins le pouvoir de lui fermer la bouche. Mais qui sait si toutes ces difficultés ne sont pas autant de chimères que je me plais moi-même à former ? Clarisse n’est-elle pas une femme ! Quel remède pour un mal commis ? Ne faut-il pas qu’elle vive ? Sa vertu est une sûreté pour sa vie : le tems ne fera-t-il pas le reste ? En un mot, quel parti aura-t-elle à prendre ? Elle ne peut me fuir ; elle sera forcée de me pardonner ; et, comme je l’ai souvent répété, être pardonné une fois, c’est l’être pour toujours. Pourquoi donc mon foible cœur se laisserait-il amollir par la pitié ? Non, non. J’aurai toutes ces idées présentes ; je n’aurai qu’elles dans l’esprit, pour soutenir une résolution que les femmes dont je suis environné veulent parier encore que je n’exécuterai pas. Je t’apprendrai, ma chère et charmante personne, à me le disputer en invention : je t’apprendrai à former des complots contre ton conquérant : je te forcerai de reconnaître que les systêmes de contrebande ne sont pas ton partage, et que c’est d’un Lovelace que toi, ta Miss Howe et ta Towsend doivent prendre des leçons. Qu’allons-nous faire à présent ? Nous sommes plongés dans un abyme de douleur et de crainte. Que les femmes souffrent impatiemment qu’on leur manque ! On s’attendait à partir pour Hamstead, et à quitter pour jamais une maison où l’on n’était rentré qu’avec une mortelle répugnance. Les habits étoient rangés, les malles fermées, elle-même disposée au départ, et moi prêt à l’accompagner. Elle commence à craindre que ce ne soit pas pour ce soir. Dans sa douleur et son désespoir, elle s’est jetée dans son ancien appartement ; elle s’y est renfermée, et Dorcas l’a vue à