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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/354

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forme de la maîtresse de cette maison, tu en veux à mon salut éternel, pour achever ton infame traité, en achevant d’accomplir l’imprécation de mon père. Réponds. Dis-moi, si tu as le courage de parler à celle dont tu causes la ruine, ce qui me reste à souffrir de ta barbarie. Elle s’est arrêtée ; et poussant un soupir, elle a tourné la tête, pour essuyer des larmes qu’elle s’efforçait en vain de retenir, et qu’elle ne pouvait plus cacher à ma vue. J’étais préparé, t’ai-je déjà dit, à l’emportement des plus violentes passions ; aux cris, aux menaces, aux injures, aux exécrations. Ces transports passagers, effet d’une douleur soudaine, et la honte, et la vengeance, nous auraient mis de pair ; et nous n’aurions rien dû l’un à l’autre. Encore une fois, je suis fait à ces orageuses douleurs ; et, comme rien de violent n’est durable, c’est ce que j’aurais souhaité dans les empressemens de mon cœur. Mais une fureur si majestueuse et si composée ! Me chercher, lorsqu’il paroissait clairement, par l’effort qu’elle avait fait pour s’échapper, qu’elle regardait comme un nouveau malheur de me voir ! Nulle idée de vengeance sur elle-même, à l’exemple de Lucrèce ! Plongée néanmoins dans un si profond désespoir, que suivant ses propres termes, le pouvoir lui manquait pour l’exprimer ! Et se trouver capable, après l’état d’où elle n’était sortie que le même jour, de me pousser aussi vivement que si quelque lumière d’en-haut lui avait révélé toutes mes vues ! Comment ne serais-je pas demeuré tout-à-fait interdit, et ne répondant, comme la première fois, que par des monosyllabes ou des phrases interrompues ? Cependant j’ai parlé de dédommagemens et de réparations. ô Belford ! Belford ! Quel est le vainqueur à présent ? Qui triomphe, d’elle ou de moi ? Des réparations ! M’a-t-elle répondu. Misérable ! Qui ne dois plus prétendre qu’à mon éternel mépris. Et levant les yeux au ciel ; ô dieu, juste et bon ! Auras-tu pitié d’une malheureuse dont la chûte est l’ouvrage d’une ame si basse ? Cependant, (en jetant sur moi un regard d’indignation) tout lâche, tout méprisable que tu es, je ne te hais pas autant que je me hais moi-même, pour n’avoir pas plutôt appris à te connaître, et pour avoir attendu de l’honnêteté, de la reconnaissance ou de l’humanité, d’un libertin, qui, pour faire gloire de cette indigne qualité, doit avoir foulé aux pieds tous les principes et tous les droits. Elle a prononcé alors, avec un soupir, le nom de son cousin Morden ; comme s’il lui était venu de sa part, quelques avis ou quelque exhortation qu’elle eût négligé : et s’avançant vers la fenêtre, elle s’est servie un moment de son mouchoir pour s’essuyer les yeux. Ensuite se tournant vers moi tout d’un coup, avec un mêlange de dédain et de majesté, (que n’aurais-je pas donné dans ce moment pour ne l’avoir jamais offensée ?) tu me proposes des réparations ! M’a-t-elle dit ; et de quelles réparations es-tu capable, pour toute personne sensée que tu auras l’insolence d’outrager ? Aussi-tôt, madame… aussi-tôt que votre oncle… ou sans attendre sa réponse… j’entends, je sais. Mais penses-tu que le mariage puisse réparer un crime tel que le tien ? Sans amis, sans fortune, telle que tu m’as rendue, je méprise trop le lâche qui a pu se dérober à lui-même la vertu de sa femme, pour te recevoir sous la qualité dont il semble que tu oses te flatter. Ce que je veux savoir, c’est si, dans un pays de liberté tel que celui-ci, où le souverain ne saurait être complice de votre lâcheté, et où vous n’auriez pas eu l’audace de la commettre, si j’avais eu la protection du