Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/378

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Il me renverra aussitôt le messager, au-devant duquel j’irai jusqu’à Slough , pour continuer ma route vers Londres avec des transports de joie ou pour retourner au château de M dans une mortelle tristesse. Je ne devrais pas, s’il m’était possible, anticiper sur le plaisir que M Tomlinson s’est réservé, de vous apprendre que, suivant toutes les apparences, votre mère entreprend de seconder les vues de votre oncle. Il lui a communiqué ses louables intentions. Elle l’en a remerciée avec un torrent de larmes ; et ses résolutions, comme celles de M Jules, dépendent du succès de demain. Ne trompez pas, je vous en conjure, pour l’intérêt de cent personnes, comme pour le mien, l’attente de ce cher oncle, de cette chère mère, dont je vous ai tant de fois entendu regretter l’affection. Il peut vous paraître difficile que j’arrive à Londres pour l’heure canonique. Mais si toute la vitesse de ma course ne répondait pas à mes désirs, la cérémonie pourrait être célébrée, avant la nuit, dans votre propre appartement ; et Monsieur Tomlinson n’assurerait pas votre oncle avec moins de vérité, que toutes ses intentions ont été remplies. Dites seulement au capitaine que vous ne me défendez pas de me jeter à vos pieds : c’est assez pour y conduire à l’instant, sur les ailes de l’amour, votre, etc. Lovelace.



à M Patrice Mac-Donald.

au château de M, mercredi, à deux heures du matin. Cher Mac-Donald, le porteur de ces dépêches est chargé d’une lettre pour ma belle, que je me suis donné la peine de transcrire pour vous. Cette copie vous instruira plus sûrement qu’un extrait. Elle vous fera juger aussi des raisons qui m’ont fait avancer la date de celle que je vous adresse sous le nom de Tomlinson, et que vous ne manquerez pas de lui montrer comme en confidence. Je ne cesse pas, cher Donald, de faire fond sur votre adresse et sur votre zèle : à présent sur-tout, qu’il faut renoncer à l’espérance d’un commerce libre. Ce systême est impossible ; j’en ai reconnu l’illusion ; et je suis déterminé par conséquent au mariage, si ma belle ne laisse point échapper le jour. S’il passe ce jour fatal, je vous informerai, le lendemain, de mes résolutions. Votre esprit s’exercera sur l’ouverture qui regarde sa mère. C’est un fonds riche, qui peut vous fournir de quoi la toucher. Prenez, s’il est nécessaire, un ton d’autorité. Il serait bien étrange qu’une fille de dix-sept ans, l’emportât sur un homme de votre âge et de votre expérience. Feignez de sortir brusquement, si vous lui voyez quelque doute de votre honneur. Un esprit doux peut s’échauffer ; mais on le ramène aisément à son état naturel, par les apparences d’une colère plus violente que la sienne. Au fond, toutes les femmes sont poltrones, et ne se livrent à leur emportement que lorsqu’elles le peuvent sans danger. Si cette entreprise a le succès que j’espère, (et quand elle ne l’aurait pas ; pourvu qu’il n’y ait rien à vous reprocher) je vous mettrai en état de n’avoir plus besoin, pour vivre, de votre maudite contrebande, qui vous conduira tôt ou tard à quelque fatale catastrophe. Nous sommes tous assez loin de la perfection, M Mac-Donald. Cette charmante personne me rend quelquefois sérieux, en dépit de moi-même. Mais, comme les vices particuliers sont moins blâmables que les vices publics, et que la contrebande peut passer pour un vice national, je prononce hardiment que vous êtes plus méchant que moi. Ainsi je me ferai un plaisir de contribuer à votre réformation. Je vous envoie dix guinées par le courier. Ces petits présens ne sont que les