Miss Howe, à Miss Charlotte Montaigu.
mardi matin, 18 de juillet. Mademoiselle, c’est dans le transport de mon cœur que je prends la liberté de vous écrire par un exprès, pour vous demander, à vous, à toute votre famille, des nouvelles d’une très-chère amie, qui a disparu, je n’en doute point, par les noirs artifices d’un des plus lâches… ah ! Mademoiselle, aidez-moi, s’il vous plaît, à lui donner le nom qu’il mérite. La piété de Miss Harlove éloigne toute crainte d’une entreprise contre elle-même. Il n’y a que lui, lui seul, qui soit capable d’avoir outragé l’innocence… qui sait à présent ce qu’il a fait d’elle ? Je vous apprendrai, si j’en ai la force, l’occasion de mon trouble et de mon emportement. Aussi-tôt que vous fûtes partie, mademoiselle, je n’eus rien de si pressant que d’écrire à mon amie. Mais, n’ayant pu me procurer facilement un messager, je fus forcée de prendre la voie de la poste. Mes instances étoient aussi vives que je vous l’avais promis, pour l’engager à se rendre aux désirs de toute votre famille. N’ayant pas reçu de réponse, j’écrivis une seconde lettre dimanche au soir, et je l’envoyai par un exprès, qui me promit de marcher toute la nuit. Jugez quel fut hier mon étonnement, au retour de mon messager, qui avait fait toute la diligence possible, lorsqu’il m’apprit qu’on n’avait point entendu parler d’elle depuis vendredi matin, et que ses hôtes ont reçu pour elle, par la poste, une lettre qui doit être la mienne. Elle était sortie, ce jour-là, dès six heures du matin, dans l’intention seulement d’aller à l’église voisine, comme elle l’avait déjà fait plusieurs fois. Elle était sortie à pied, après avoir dit qu’elle reviendrait dans une heure. Sa santé paroissait très-foible. Juste ciel ! Prends pitié de moi. Que ferai-je ? J’ai passé toute cette nuit dans une agitation mortelle. Ah ! Mademoiselle, vous ne sauriez vous imaginer combien je l’aime. C’est ma divinité sur la terre. Ma vie, mon ame, ne me sont pas plus chères que Miss Harlove. Elle fait ma joie, mon appui, mes seules délices. Jamais deux femmes n’ont eu tant d’affection l’une pour l’autre. Il m’est impossible de vous décrire la moitié de ses perfections. Je mettais ma gloire dans l’amitié de cette incomparable fille. Helas ! Qui sait à présent si tous ses malheurs, des malheurs qu’elle a si peu mérités ! Ne sont pas accomplis par la mort ; ou si la méchanceté des hommes ne la réserve pas à quelque destin encore plus terrible ? C’est un éclaircissement que je vous demande ; car j’apprends que votre cousin (dois-je lui donner ce nom ?) est encore avec vous. Sûrement, mesdemoiselles, vous étiez autorisées dans les propositions que vous m’êtes venu faire devant ma mère ; sûrement il n’oserait abuser de votre confiance et de celle d’une famille aussi respectable que la vôtre. Je ne vous fais pas d’excuses pour le désordre de cette lettre, et pour la grâce que je vous demande de m’accorder un mot de réponse par le porteur.
M Lovelace, à M Belford.
au château de M dimanche au soir 15 de juillet. Tout est perdu, Belford. L’enfer s’en mêle. Que faire à présent ? Malédiction sur toutes mes inventions et sur toutes mes ruses ! Mais je l’éprouve déjà jusqu’au fond de l’ame et du cœur. Tu m’as dit que ma punition ne faisait que commencer. Malheureux prophète ! M’apprendras-tu quelle en sera la fin ? Je demande ton secours. Au