Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/430

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avec si peu de ménagement, pour lui faire un aveu que je ne ferais pas à mes proches ? Pardonnez, monsieur ; mais Miss Howe s’est figuré que votre lettre la mettait en droit de vous demander quelqu’explication sur ce que vous lui avez écrit. Eh bien, M Hickman, vous voyez que je ne suis pas muet avec vous. Que vous semble de moi ?

Je vois, monsieur, que vous êtes un homme aimable et d’une humeur enjouée. Mais ce que je demande au nom de Miss Howe, c’est de savoir si vous vous joignez réellement et de bonne foi avec vos amis, pour souhaiter ses bons offices auprès de Miss Harlove. Ne doutez pas que je ne fusse charmé de me voir réconcilié avec une personne que j’aime uniquement, et que je n’eusse beaucoup d’obligation à Miss Howe, si je tenais d’elle un si grand service. Fort bien, monsieur : et je puis donc conclure que vous êtes disposé au mariage, qui est l’objet de cette réconciliation ? Je n’ai jamais eu de goût pour l’état du mariage. C’est ma déclaration, que je dois vous faire nettement. J’en suis fâché, monsieur. Le mariage me paroît un état fort heureux. Je souhaite, monsieur, que vous le trouviez conforme à vos idées. C’est ce qui n’est pas douteux pour moi ; et j’ose dire, monsieur, que vous en jugeriez de même, si vous étiez le mari de Miss Harlove. Oh ! Si j’étais capable de trouver du bonheur dans le mariage, ce serait sans doute avec elle. Vous me surprenez extrêmement, monsieur. Ne pas penser au mariage, après ce qui s’est passé, après le traitement… eh ! Quel traitement, s’il vous plaît ? Je ne doute pas qu’une personne si délicate n’ait représenté sous des couleurs trop fortes ce qui passerait pour une bagatelle à d’autres yeux que les siens. Vous me pardonnerez, monsieur ; mais si ce qu’on m’a fait entrevoir n’est pas une exagération, je ne puis le traiter de bagatelle. Apprenez-moi donc, M Hickman, ce qu’on vous a fait entrevoir. Je vous promets de répondre sincèrement aux accusations. Vous savez mieux que personne, monsieur, de quoi vous êtes accusé. Ne reconnaissez-vous pas, dans votre lettre, que Miss Harlove est la plus outragée de toutes les femmes, et celle qui le mérite le moins ? Oui, monsieur, je le reconnais, et je n’en souhaite pas moins d’apprendre ce qu’on vous a fait entrevoir. Ma réponse aux questions de Miss Howe dépend peut-être de cet éclaircissement. Puisque vous êtes si pressant, monsieur, vous ne sauriez vous offenser que je m’explique. Ne convenez-vous pas d’abord, que vous avez promis à Miss Harlove le mariage et tout le reste ? J’entends, monsieur. Je suppose que vous m’accusez d’avoir voulu obtenir tout le reste, sans le mariage. Vous badinez, Monsieur Lovelace. Je sais que vous passez pour homme d’esprit : mais souffrez que je vous le demande ; ne traitez-vous pas cette affaire un peu trop légèrement ? Lorsqu’une faute est commise, et qu’elle est par conséquent sans remède, il ne reste pas d’autre parti que de s’en consoler : c’est la manière dont je souhaiterais que Miss Harlove voulût penser aussi. Et moi, je pense, monsieur, qu’il ne convient jamais de tromper une femme ; je pense que les promesses qu’on fait aux femmes, engagent du moins autant que celles qu’on fait à tout autre. Je suis persuadé que vous le pensez, M Hickman ; et je suis persuadé aussi que vous êtes un des meilleurs hommes du monde. Ma parole, monsieur, est un lien sacré pour moi. La différence du sexe n’y change rien. Je loue vos principes ; et le ciel me préserve de vous en détourner ! Mais encore, monsieur, que vous a-t-on dit de plus ? (tu juges, Belford, que je devais être assez curieux, de savoir dans quel jour ma future moitié avait représenté notre aventure à Miss Howe, et jusqu’où Miss Howe s’était ouverte avec son Hickman). Ce que je lui demandais, m’a-t-il dit, n’appartenait point à sa commission. Mais considérez, M Hickman, que la question m’intéresse.