Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/452

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plus que jamais sa réponse, supposé même qu’après ce fâcheux incident elle daigne m’en accorder une. Permettez-vous, ma chère, que je finisse là-dessus par une remarque ? C’est que, dans les occasions même où le zèle de ma tendre amie est louable, il paraît que le reproche la chagrine plus que la faute. Si vous me pardonnez cette liberté, je reconnaîtrai en faveur de votre opinion sur la conduite des parens dans ces occasions délicates, que souvent l’opposition indiscrète cause autant de mal que les imprudences de l’amour. J’ai dit à M Hickman que je prendrais quelques jours pour délibérer sur l’offre obligeante que vous me faites d’un logement dans votre voisinage. Mais si vous avez la bonté de recevoir mes excuses, il y a peu d’apparence que je l’accepte, quand ma santé ne cesserait pas de s’y opposer. Je dois vous expliquer mes raisons, lorsqu’assurément la reconnaissance et l’amitié me feraient regarder une visite, que je pourrais quelquefois espérer de vous, comme ma plus douce consolation. Je vous dirai donc, ma chère, que cette grande ville, toute méchante qu’elle est, ne manque point d’occasions pour devenir meilleur. Les exercices de la religion s’y font régulièrement dans un grand nombre d’églises ; et la diminution de mes forces m’avertit que ces secours sont convenables à ma situation. Lorsque je suis en état de sortir, je me fais conduire à quelque église éloignée, avec le double avantage de remplir mes devoirs de religion, et de prendre un peu l’air, par déférence pour un médecin fort attentif à ma santé. Je ne doute pas que la continuation de cette méthode ne serve beaucoup, comme elle a déjà fait, à calmer le trouble de mes pensées, et peut-être à m’établir dans cette parfaite résignation à laquelle je dois aspirer : car je vous avoue que ma douleur et mes réflexions l’emportent quelquefois sur mes forces, et que toute l’assistance que je tire de mes exercices de piété, suffit à peine pour soutenir ma raison ! Je suis bien jeune, ma chère, hélas ! Bien jeune, pour me trouver abandonnée à ma propre conduite dans de si malheureuses circonstances ! Un autre motif qui m’empêchera d’accepter vos offres, c’est la crainte des nouveaux différends qui pourraient naître, à mon occasion, entre votre mère et vous. Si vous étiez mariée, et que l’honnête homme qui aurait droit alors à votre affection, souhaitât comme vous de me voir plus proche de votre demeure, je ne sais pas si je serais capable de résister. Quoique ma première raison soit d’une importance qui lui ferait peut-être conserver tout son poids lorsque je quitterais Londres pour vous faire ma visite de félicitation, je doute qu’étant une fois près de vous, je pusse me refuser la satisfaction d’y demeurer. Je vous envoie la copie de ma lettre à ma sœur, et j’espère que vous la trouverez écrite dans un véritable esprit de repentir ; tels sont du moins mes sentimens. Ne m’accusez pas de m’abaisser trop dans les termes. Un enfant qui se reproche d’avoir malheureusement offensé ceux dont il tient le jour, ne saurait porter trop loin l’humiliation. S’il arrivait que, plus irrités encore par les dernières libertés dont vous me faites l’aveu, ils laissassent ma lettre sans réponse, je dois apprendre à trouver de la justice dans cette rigueur, sur-tout lorsque c’est la première fois que je m’adresse à eux par ma soeur. Mais s’ils me font la grâce de me répondre, et peut-être dans des termes que la vivacité de votre amitié me fera