des manières nobles et aisées, une naissance distinguée, une fortune et des espérances considérables. Dans le peu de temps que j’ai eu l’honneur de vous connaître en Italie, quoique votre conduite, pardonnez-moi cette réflexion, n’y ait pas été tout-à-fait sans reproche, diverses occasions m’ont convaincu que vous êtes brave. Du côté de l’esprit et de la vivacité, peu de jeunes gens vous égalent. Votre langage est séduisant. Vous avez long-temps voyagé ; et je sais, si vous me le pardonnez encore, que vous vous entendez mieux à faire des observations qu’à les suivre. Avec tant de belles qualités, il n’est pas surprenant qu’une jeune personne prenne de l’amour pour vous, ni que cet amour, joint à l’indiscrète chaleur avec laquelle on a voulu forcer les inclinations de ma cousine en faveur d’un homme qui vous est fort inférieur, l’ait portée à se jeter sous votre protection. Mais si je lui suppose deux motifs si puissans, n’est-il pas vrai aussi, monsieur, qu’elle était doublement autorisée à se promettre un généreux traitement de la part de l’homme qu’elle choisissait pour son protecteur, sur-tout, accordez-moi la liberté de le dire, lorsqu’elle était en état d’offrir une récompense si noble pour la protection qu’elle acceptait ?
love. Miss Harlove avait droit aux adorations de tout le genre humain ; je ne balance point à le déclarer, et je lui rendrai constamment la justice qu’elle mérite. Je sais, monsieur, la conclusion que vous en allez tirer. Ma seule réponse, c’est qu’il est impossible de rappeler le passé. Peut-être souhaiterais-je de le pouvoir. Ici, le colonel s’étendit avec beaucoup de force sur la méchanceté de ceux qui attaquent la vertu des femmes. Il observa qu’en général les hommes ont déjà trop d’avantages sur la crédulité, la foiblesse et l’inexpérience du beau sexe qui, par la mollesse de son éducation, par ses lectures, et par le désir naturel de plaire, devient quelquefois trop facile à se laisser engager dans les démarches les plus imprudentes ; qu’à la vérité, sa cousine étoit au-dessus des séductions communes, c’est-à-dire, incapable d’une témérité par de moindres motifs que la violence de sa famille et mes promesses solennelles ; mais qu’avec ces motifs néanmoins, et une prudence qu’elle devait moins à l’expérience des affaires qu’à son heureuse constitution, elle avait pu croire la défiance inutile à l’égard d’un homme qu’elle aimait ; et que par conséquent rien n’était plus odieux que d’avoir abusé de sa confiance. Il aurait continué plus long-temps sur un sujet si trivial. Je l’interrompis. lovel. ces observations sont vagues, et peuvent ne pas convenir au point dont il est question. Mais vous-même, monsieur, vous n’avez pas d’aversion pour la galanterie ; et, si vous étiez un peu pressé, peut-être ne justifieriez-vous pas mieux que moi toutes les actions de votre vie.
le col. oh, monsieur ! Vous êtes libre de me rappeler mes erreurs. Grâces au ciel, je suis capable de les reconnaître et d’en rougir.
Milord jeta les yeux sur moi. Mais comme il ne paroissait point, à l’air du colonel, qu’il entrât la moindre malignité dans cette réflexion, je la relevai d’autant moins, que je suis aussi prêt que lui à reconnaître mes fautes, soit que j’en rougisse ou non. Il continua : le col. comme vous semblez douter de mes principes, je vous dirai naturellement, et sans en tirer vanité, quelle a toujours été ma règle, jusqu’à ces derniers tems, où je me suis beaucoup plus resserré. J’ai pris des libertés qui ne peuvent être justifiées par les loix de la bonne morale ; et je me rappelle un âge de ma vie où je me serais cru en droit de couper la gorge à celui qui aurait traité ma soeur comme je ne faisais pas difficulté de traiter les filles et les sœurs d’autrui. Mais, à cet âge même, je n’ai jamais été capable de faire une promesse que je n’aurais pas voulu remplir. Les jeunes personnes de l’autre sexe sont toujours disposées à nous prêter des vues honorables, lorsqu’elles nous ont accordé leur tendresse. Elles regarderaient comme un outrage égal pour leur vertu et pour leurs charmes, d’être réduites à la nécessité de demander si l’on a des vues légitimes dans les soins qu’on leur rend. Mais je tiens que celui qui va jusqu’à promettre, est obligé de tenir. Une femme est en droit de porter son appel à tout l’univers contre la perfidie d’un homme