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Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/506

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Milord. j’avais bien jugé, messieurs, que cette chaleur était à craindre dans votre première entrevue. Acceptez, je vous prie, mon entremise. Je ne vous demande que de vous entendre. Vous tendez au même but, et vous n’avez besoin que de patience pour vous expliquer. M Morden, faites-moi la grâce de ne pas venir tout d’un coup aux défis…

Le Col. aux défis, milord ! Ce sont des extrémités que j’accepte plus volontiers que je ne les offre. Mais croyez-vous qu’ayant l’honneur d’appartenir de si près à la plus excellente femme du monde…

Milord. (l’interrompant) nous convenons tous de ses perfections, et nous regarderons son alliance comme le plus grand honneur auquel nous puissions aspirer.

Le Col. vous le devez, milord.

Mil. oui, nous le devons, et nous le faisons aussi ; et que chacun fasse ce qu’il doit, et qu’il ne fasse rien de plus. Et vous, colonel, souffrez que je le dise, vous devez être moins ardent.

Lovel. (froidement) allons, M Morden, quelles que soient vos intentions, il ne faut pas que cette dispute aille plus loin que vous et moi. Vous vous expliquez avec un peu de hauteur, et je ne suis point accoutumé à ce langage : mais ici, sous ce toit, il serait inexcusable de relever ce qui mériterait peut-être mon attention dans un autre lieu.

Le Col. quelque jugement que vous portiez de mon langage, le vôtre, monsieur, est digne d’un homme que je serais charmé de pouvoir nommer mon ami, si toutes ses actions y répondaient ; et digne aussi de l’homme que je me croirais honoré de nommer mon ennemi. J’adore un courage noble ; mais puisque milord est persuadé que nous tendons tous deux au même but, je crois, Monsieur Lovelace, que, si l’on nous permettait d’être seuls pendant quatre ou cinq minutes, nous nous entendrions bientôt parfaitement. (là-dessus, il se mit en chemin vers la porte.)

Lovel. je suis tout-à-fait de votre opinion, et j’ai l’honneur de vous accompagner. Milord sonna brusquement, et vint se jeter entre nous, en disant au colonel : retournez de grâce, monsieur, retournez ; et à moi, qu’il retenait par le bras : mon neveu, je vous défends de sortir. La sonnette et le bruit des voix amenèrent Mowbray, et Clincarn écuyer de milord ; le premier avec son air nonchalant et les mains derrière le dos. Il nous demanda de quoi il était question. De rien, lui dit milord ; mais ces jeunes gens sont, sont, sont… de jeunes gens, et c’est tout. Le colonel étant rentré alors d’un air plus composé, il le supplia de s’expliquer avec modération.

Le Col. de tout mon cœur, milord.

(Mowbray, s’approchant de mon oreille : de quoi s’agit-il donc ? Me dit-il. Veux-tu, mon enfant, que je tombe sur cet homme-là ? Garde-toi d’ouvrir la bouche, lui répondis-je tout bas. Le colonel est un galant homme ; et je te défends de te mêler ici le moins du monde.)

Le Col. je serais au désespoir, milord, de vous causer le moindre chagrin. Je ne suis pas venu dans cette intention.

Mil. en vérité, colonel, vous m’avez fait soupçonner le contraire, par la facilité avec laquelle vous prenez feu.

Le Col. si j’avais eu le moindre dessein d’en venir aux extrémités, je suis sûr que M Lovelace m’aurait fait l’honneur de me joindre