Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/550

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jetée dans une situation à laquelle il ne manquait que peu de jours pour la conduire au tombeau.

Qu’il est plein de présomption ; qu’il croit en imposer par ses insolentes bravades, et par l’opinion qui s’est répandue de son courage et de son habileté dans les armes. Que, déshonorant, comme il fait, son nom et le caractère de la noblesse, il y aurait peut-être quelque mérite à l’effacer du nombre de ceux dont il sait la honte. Que la famille outragée n’a qu’un fils, indigne à la verité d’une telle sœur, mais fier, violent, emporté, et par conséquent peu capable, comme on l’a déjà reconnu, de mesurer ses armes avec un homme de cette trempe ; que la perte de ce fils, par une main si justement odieuse, mettrait le comble à la misère de tous ses proches ; qu’il est résolu néanmoins d’en courir les risques, si je ne le préviens point, poussé peut-être à rendre une justice éclatante à la mémoire de sa sœur, par le remords même de sa mauvaise conduite, quoique l’entreprise puisse être fatale à sa vie ".

Et puis, monsieur, comptez-vous pour rien d’être témoin, comme je le suis à toute heure, de l’infortune et de la tristesse d’une famille à laquelle j’appartiens de si près par le sang ; de les voir tous comme ensevelis dans leurs réflexions, l’air morne, la tête penchée, s’évitant l’un l’autre, se rappelant les perfections de la fille, de la nièce, de la sœur qu’ils ont perdue ; et regardant désormais leurs richesses mêmes comme une malédiction du ciel ? Vous, monsieur, qui savez mieux que moi les barbares inventions qui ont fait le triomphe du coupable, vous pourriez m’aider, s’il en étoit besoin, à trouver des raisons encore plus fortes, pour me persuader que le désir de la vengeance, dans un homme qui se croit fort éloigné de la perfection, paraîtrait excusable à la pluralité des juges.

Cependant je veux écarter toutes ces idées, et je ne fais pas difficulté de répéter que je n’ai encore pris aucune résolution dont je doive me faire une loi. S’il m’arrive d’en former, je serai charmé, monsieur, qu’elles soient d’une nature qui puisse mériter l’honneur de votre approbation.

Je vous renvoie les copies des lettres posthumes ; je reconnais l’humanité de votre coeur dans les motifs qui vous ont porté à me les communiquer. C’est apparemment par les mêmes vues que vous avez gardé celle qui s’adresse à M Lovelace. Je suis, monsieur, etc.

Morden.



Milord M à M Belford.

au château de M. 29 septembre.

Mon neveu, cher M Belford, est à la veille de partir pour Londres, dans le dessein de vous embrasser et de se rendre aussi-tôt à Douvres. Que Dieu l’accompagne, et le conduise heureusement hors du royaume ! Je crois que vous le verrez lundi ; faites-moi la grâce de m’informer de ses dispositions, et de m’écrire naturellement si vous le croyez tout-à-fait revenu à lui-même. M Mowbray et M Tourville l’accompagneront jusqu’à la mer : mais ce que je vous recommande instamment,