Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/573

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Lorsqu’il a été question de descendre le corps dans le caveau, il y a eu un mouvement général pour s’approcher du cercueil et lire les inscriptions. Deux gentilshommes, en particulier, se sont avancés avec précipitation, se couvrant le visage de leurs manteaux : c’étoient messieurs Mullins et Wyerley, admirateurs déclarés de ma cousine. Quand ils ont été à une petite distance, et qu’ils ont jeté les yeux sur la partie supérieure du cercueil : " ce petit espace, a dit M Mullins, renferme tout ce que la nature humaine peut produire d’excellent ". Et dans ce moment, M Wyerley, incapable de résister plus long-temps à la douleur qui l’accablait, s’en est allé chez lui, où l’on assure qu’il est fort mal.

On a dit que Solmes était dans un coin à l’écart, enveloppé d’un manteau de cavalier, et versant fréquemment des larmes. Cependant je ne puis pas dire l’avoir vu.

Un autre gentilhomme y était aussi allé incognito, et s’était placé sur un banc près de l’entrée du caveau. Personne ne l’avait remarqué ; mais une violente émotion l’a trahi au moment où l’on a descendu le corps dans sa dernière demeure. C’était le digne M Hickman de Miss Howe.

Mes cousins Jules et Antonin, et leur neveu James ne jugèrent pas à propos de descendre dans le tombeau de leurs ancêtres Miss Harlove paroissait fort affectée. Sa conscience, aussi bien que les liens du sang, contribuaient à son affliction. Elle disait qu’elle descendrait avec sa chère, son unique sœur ; mais son frère n’a pas voulu le lui permettre. Ses yeux noyés de larmes n’ont quitté le cercueil que lorsqu’il a tout-à-fait disparu. Alors elle s’est laissé aller sur son siége, et s’est presque évanouie. J’ai accompagné le corps dans le caveau, afin de m’assurer et de pouvoir vous assurer, monsieur, vous qui êtes son exécuteur testamentaire, que, selon qu’elle l’avait demandé, on l’a déposée aux pieds de son grand-père. M Melvill est descendu : il a examiné le dessus du cercueil, et y a répandu quelques larmes. J’étais si satisfait de son discours et de la façon dont il s’était acquitté de la cérémonie, que sur le lieu même je lui ai fait présent d’une bague de quelque valeur, et l’ai remercié de la manière dont il avait rempli ses fonctions.

J’ai quitté les restes de ma chère cousine, après avoir retenu pour moi une place auprès d’elle.

à mon retour au château d’Harlove, je me suis contenté d’envoyer mes complimens à la famille. Je n’ai pas honte de vous dire qu’en rentrant dans ma chambre, je me suis abandonné encore une fois à toute ma douleur.

Je suis, mon cher monsieur, etc.

Morden.