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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/182

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Histoire

commandai à trois Domestiques, qui me suivoient à cheval, d’arrêter soigneusement le Postillon de Sir Hargrave, & je défendis moi-même à son Cocher de faire un pas. Les stores étoient toujours baissés de mon côté, & Sir Hargrave pressoit ses gens de l’autre, avec beaucoup de juremens & d’imprécations. Je pris le parti de descendre, pour faire le tour de la berline. Les cris de la Dame ne cessoient point, & je vis Sir Hargrave qui s’efforçoit de lui tenir sur la bouche le bout d’un mouchoir, qui paroissoit lié autour de sa tête. Il juroit outrageusement. Aussitôt que la malheureuse dame m’eut apperçu, elle tendit ses deux mains vers moi, en prononçant du ton le plus triste, Monsieur, au nom de Dieu !…

Sir Hargrave, dis-je à son Tiran, je vous ai reconnu à vos armes. Vous me paroissez engagé dans une fort mauvaise affaire. Oui, me répondit-il, d’un ton fort animé, je suis le Chevalier Pollexfen, & je reconduis chez moi une femme fugitive. Je lui demandai si c’étoit la sienne ? Oui, reprit-il, en jurant ; & prête à m’échapper dans une maudite Mascarade ; voyez, ajouta-t-il, en levant le manteau, prête à fuir dans cet équipage même. Oh ! non, non, non, s’écria la triste Dame.

Il recommençoit ses imprécations contre le Cocher, pour lui faire piquer ses chevaux. Je le priai de faire attention à moi. Permettez, Sir Hargrave, que je fasse une