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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/250

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Histoire

des femmes se laisse gouverner par les yeux. Je sais que vous me recommanderez ici de ne pas grossir le nombre de ces Imprudentes. Votre conseil, chere Lucie, ne sera pas négligé.

Le caractere sensé de Sir Charles n’est pas sujet à des caprices ou des inégalités d’humeur. Il est supérieur aux disputes qui n’ont que des bagatelles pour objet. Il l’est encore plus aux fausses complaisances qui pourroient engager la conscience ou l’honneur. Miss Grandisson me disoit un jour, en parlant de son Frere : ce n’est pas sa bonne mine, ni sa naissance, ni son bien, qui le rendent cher à ceux qui le connoissent ; c’est le plus parfait assemblage de toutes les qualités qui forment essentiellement l’honnête homme. Elle me disoit, une autre fois, que la regle de sa vie étoit dans son propre cœur ; & que, malgré le bonheur qu’il avoit de plaire à tout le monde, il ne mettoit le jugement, ou l’approbation d’autrui, qu’au second rang. En un mot, mon Frere, ajouta-t-elle, & ce nom sembloit lui causer une sorte de fierté, n’est pas capable de se laisser éblouir par une fausse gloire, ni refroidir par une fausse honte. Il nomme ces deux erreurs, les grands piéges de la vertu. Quel homme, chere Lucie ! quelle sublimité d’ame ! Et quelle femme, que celle qui est capable de faire toutes ces distinctions entre les grandes qualités de son Frere ! Mais que suis-je, moi ! si je me compare à l’un