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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/267

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du Chev. Grandisson.

qui se pique aussi de discrétion. Votre Sœur Charlotte vous croit trop parfait.

Toute ma crainte est que les tendres sentimens de Sir Charles n’ayent eu de rapport qu’à la situation où il m’a trouvée, & qu’ils n’aient pas duré plus long-tems que l’affoiblissement de ma santé. Cependant il m’a proposé une liaison de frere & de sœur, depuis que j’ai commencé à me trouver mieux. C’étoit aller plus loin qu’il ne convenoit, s’il avoit dessein de renoncer sitôt au caractere fraternel.

Mais ne seroit-ce pas ma propre conduite, qui lui cause quelque allarme ? Modeste, généreux comme il est, la compassion est peut-être ici son motif. Ma timide reconnoissance, qui me fait quelquefois baisser les yeux devant lui, & dont il ne distingue pas assez la nature, lui fait peut-être appréhender que je ne grossisse le nombre de ces femmes, dont sa Sœur dit qu’il fera des Malheureuses, s’il prend le parti de se marier. Dans cette supposition, ma chere, votre Henriette seroit bien coupable, si l’exemple d’autrui ne lui apprenoit pas à s’armer d’un peu de précaution. Après tout, les hommes en général doivent avoir une étrange idée de notre cœur, lorsqu’ils le croyent composé de matériaux si combustibles ! La moindre étincelle suffit, dans leurs idées… Mais, en vérité, le meilleur des hommes, cet admirable Chevalier, se trouvera fort trompé, s’il a cette opinion de votre Henriette.