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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/39

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aujourd’hui de très-fortes. L’Amant, qui est capable de menacer, ne peut être qu’un mari tyrannique. Ne le pensez-vous pas, ma chère Lucie ? Mais n’allez pas jusqu’à lui faire des suppositions d’amour & de mariage ; les hommes de son caractere expliquent tout en leur faveur, & prennent l’ombre pour une réalité.

Une femme, qui se voit si fort exaltée au-dessus de ce qu’elle peut mériter, n’a-t-elle pas raison de craindre que si le flatteur devenoit son mari, elle ne tombât beaucoup dans son opinion, lorsqu’elle lui auroit donné le pouvoir de la traiter suivant ce qu’elle vaut ; je dis même en supposant qu’il soit assez aveuglé par sa passion, pour n’être pas absolument de mauvaise foi dans ses complimens ? En vérité, je méprise & je redoute également les Flatteurs. Je les méprise pour leur fausseté, s’ils ne croyent pas eux-mêmes ce qu’ils ont l’effronterie de dire ; ou pour leur extravagance, s’ils peuvent se persuader tout ce qu’ils disent. Je les redoute, par une juste défiance de moi-même, qui me fait craindre que leurs discours ne soient capables, comme ils doivent se le promettre dans la premiere de mes deux suppositions, de m’inspirer une vanité qui me ravalleroit fort au-dessous d’eux, & qui leur donneroit sujet de se faire un triomphe de ma folie, dans le tems même que je serois le plus enflée de ma propre sagesse. En un mot