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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/153

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du Chev. Grandisson.

Pere avoit des qualités supérieures, qui étoient accompagnées d’une extrême vivacité d’esprit. Il entreprit à cette occasion d’humilier ses deux filles ; & voulant leur faire perdre toute idée de mariage, il joignit à l’autorité paternelle, que nous pouvons nous glorifier d’avoir fidélement respectée, cette veine de raillerie que tout le monde lui a connue ; nous en fûmes confondues, jusqu’à ne pouvoir lever la tête. Ma Sœur en particulier se vit forcée de rougir d’une inclination, que le mérite de l’objet ne pouvoit rendre honteuse pour aucune femme. Il plut aussi à mon Pere, & sans doute par de sages raisons, de nous déclarer que nous ne devions nous attendre qu’à une fortune fort bornée. L’effet de cette conduite fut de m’avilir à mes propres yeux. Ma Sœur eut l’esprit plus fort, & se trouva soutenue par de meilleures espérances ; mais ce qu’elle avoit souffert me fit appréhender le même traitement à mon tour. Je me sentis dans la disposition d’entreprendre tout ce qui pouvoit s’accorder avec la vertu, plutôt que de m’exposer à des railleries & à des invectives, auxquelles mon devoir ne me permettoit pas de répliquer.

Pendant que ces impressions m’occupoient dans toute leur force, M. Anderson, qui étoit en quartier dans le voisinage, eut l’occasion de me voir. C’est un homme de fort bonne mine, vif, enjoué, qui étoit reçu agréablement de tout le monde, & distingué sur-tout par trois jeunes Dames, que cette