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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/168

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Histoire

disposée à me faire l’application d’une partie de son conseil,] ayez la bonté d’avertir quelquefois ma Pupille, qu’elle ne doit jamais aimer un homme, sans être bien sûre d’en être aimée ; qu’elle ne doit jamais lui faire connoître l’ascendant qu’il a sur elle, sans être sûre qu’il est reconnoissant, juste, généreux ; & qu’elle doit le mépriser comme une ame vile & intéressée, au premier moment qu’il cherche à l’engager par une promesse. Pardon, chere Charlotte. Vous vous blâmez si généreusement vous-même, que vous ne devez pas faire difficulté de donner votre expérience en exemple à une jeune personne, qui peut tomber dans la même situation, sans être capable de s’y conduire avec autant de noblesse & d’élévation que vous.

C’est fort à propos pour moi, chere Lucie, que Sir Charles a cessé de m’adresser ses dernieres réflexions. La confusion de sa Sœur a servi de voile à la mienne ; & je n’ose répondre qu’elle lui en ait servi parfaitement. Je sens, ma chere, qu’il ne faut pas que je demeure éloignée plus long-tems de ma famille, du moins pour vivre dans le lieu où je suis. Miss Ancillon, Miss Barnevelt, & tant d’autres, dont je me souviens d’avoir fait le portrait, où êtes-vous ? où puis-je vous trouver ? Mon cœur, lorsque j’ai commencé à vous connoître, étoit paisible & sans crainte. Je pouvois rire alors de tout ce qui paroissoit autour de moi. Je n’appréhendois pas que la raillerie pût retomber sur moi-même.