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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/282

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Histoire

Petite flatteuse ! Vous me charmez.

Je ne sais point flatter, Mademoiselle. Ne m’appelez point flatteuse. Non, je suis la sincérité même.

Oui, je vous crois sincere : mais vous excitez ma vanité, chere Miss. Je ne vous reproche pas de me dire ce qu’on pense de moi ; mais je me fais un reproche à moi-même d’y être trop sensible. Continuez, s’il vous plaît. Anne, disiez-vous, assure alors…

Elle m’assure que toutes ces émotions extraordinaires sont des signes d’amour. Folle créature. Ce qu’elle dit néanmoins n’est pas impossible : mais ce n’est pas un amour tel qu’elle paroît l’entendre, tel qu’elle prétend l’avoir senti dans ses jours critiques ; c’est le nom bizarre qu’elle leur donne ; & par lesquels elle dit qu’elle a passé, deux ou trois ans plus tard que moi. Premierement, je suis fort jeune, vous le savez, Mademoiselle ; je ne fais que sortir de l’enfance. Je n’ai jamais eu de Mere, ni de Sœur, ni de Compagne de mon sexe. Les Filles de Madame Lane, qu’étoient-elles pour moi ? Elles me regardoient comme un Enfant, & je n’étois rien de plus. D’ailleurs, j’aime à la vérité mon Tuteur ; mais c’est avec autant de respect, que s’il étoit mon Pere. Jamais je n’ai eu la moindre pensée, qui n’ait été accompagnée d’une profonde vénération pour lui, telle que je me souviens de l’avoir eue pour mon Pere.