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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/383

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du Chev. Grandisson.

chaise : Quels remercîmens ne vous dois-je pas, Mademoiselle, pour la complaisance que vous avez eue de m’écouter ! J’en abuse. Pardonnez le trouble que j’ai répandu dans un cœur qui est capable d’une sympathie si tendre ; & me faisant une profonde révérence, il s’est retiré avec précipitation, comme s’il eût appréhendé de me laisser voir toute son émotion.

Je suis demeurée pendant quelques momens immobile, vraie statue ; regardant d’un côté & d’autre, comme pour chercher mon cœur, & le jugeant perdu sans ressource ; un torrent de larmes, qui est sorti fort à propos de mes yeux, m’a rendu la connoissance & le mouvement. Miss Grandisson, ayant vu sortir son Frere, avoit attendu quelques momens, dans la crainte qu’il ne revînt sur ses pas ; mais m’entendant soupirer, elle est accourue les bras ouverts. Ô chere Henriette ! m’a-t-elle dit en m’embrassant, que s’est-il passé ? Est-ce ma Sœur que j’embrasse ? ma Sœur réelle, ma Sœur Grandisson ?

Ah, ma Charlotte ! il faut renoncer à toute espérance. Point de Sœur. Il est impossible. Il n’y faut plus penser. Je connois… Mais aidez-moi, aidez-moi à sortir de cette chambre. La vue m’en déplaît, (en étendant une main devant mes yeux, & sentant mes larmes qui couloient entre mes doigts… des larmes, ma chere, que je ne donnois pas seulement à moi, mais à Sir Charles, à