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Histoire

Sir Th. Je n’aime point vos interruptions, petite Fille. N’ajoutez rien, je vous prie. C’est à votre Sœur que je parle. Tenez la tête droite, Caroline. Point de grimaces & de contorsions. Un peu plus d’innocence dans le cœur, & vous aurez moins de confusion sur le visage. Je vois quelle ligue vous avez formée entre vous. Elle m’annonce de belles suites pour l’avenir. Mais dites-moi, Caroline ; aimez-vous Mylord L… ? Lui avez-vous promis d’être à lui, lorsque vous serez parvenue à fléchir un Pere incommode, ou, ce qui vous plairoit sans doute encore plus, lorsque la mort vous en aura délivrée ? Tous les Peres sont de cruels personnages, lorsqu’ils ne pensent point comme leurs imprudentes Filles sur le compte de leurs Amans. Me répondrez-vous, Caroline ?

Miss Carol. (Pleurant, d’un langage si sévere.) Que puis-je dire, Monsieur, sans avoir le malheur de vous déplaire ?

Sir Th. Ce que vous pouvez dire ? Dites que vous perdez pour votre Pere le respect & l’obéissance que vous lui devez. Cette réponse seroit-elle contraire à vos sentimens ?

Miss Carol. Je me flatte, Monsieur…

Sir Th. Je m’en flatte aussi. Mais ce n’est point assez. Il convient à une fille de s’expliquer avec plus de certitude. Ne pouvez-vous répondre pour votre cœur ?

Miss Carol. Il me semble, Monsieur, que vous ne regardez point Mylord L… comme un homme sans mérite.