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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 2, 1763.djvu/71

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du Chev. Grandisson.

jamais refuser une premiere offre. Si vous jouissiez d’une fortune indépendante, dites, Mademoiselle, qu’auriez-vous fait ? Allez, vous êtes foible ; mais vous êtes encore plus rusée. La ruse tient lieu de sagesse aux femmes, & leur foiblesse est la force des hommes. Je suis faché que mes filles ne soient pas composées de matériaux moins fragiles. Ce qui m’étonne, c’est qu’un homme, qui connoit votre sexe, puisse penser au mariage.

Telle fut, chere Lucie, la réponse de ce Pere, qui avoit passé toute sa vie dans l’excès du libertinage ; comme s’il avoit cru ses vues bien justifiées, par des traits vagues de Satire contre les femmes. C’est ainsi que la malignité, jointe à la dépravation des mœurs, passe pour connoissance du monde & du cœur humain. Combien d’Auteurs doivent leur réputation à ces odieuses peintures ? Mais gardons-nous de croire que le caractere de la nature humaine, c’est-à-dire, de tant de créatures formées à l’image de Dieu, doive être pris des égaremens d’une sale imagination. Ce qu’il faut juger du plus grand nombre de ces Peintres satiriques, c’est qu’ils ont généralement vécu en fort mauvaise compagnie.

J’ai cru, ma chere, que la nouveauté du sujet me feroit pardonner l’excessive longueur de cette Lettre.

Les deux Dames en étoient à cet en-