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Histoire

sans doute la malheureuse conduite de son Pere, & l’image de sa mort récente. Il n’est pas surprenant qu’un tel fils ne pût se défendre dans cet instant d’une infinité de tristes réflexions. Ensuite revenant vers ses Sœurs, il leur demanda la permission de se retirer pour quelques momens. Un Pere, leur dit-il, en détournant le visage, exige ce tribut. Il attacha les yeux, d’un air attendri, sur les portraits de son Pere & de sa Mere, qui se trouvoient devant lui ; & sans ajouter un seul mot, il quitta ses deux Sœurs avec une profonde révérence.

Une demie heure après, il reparut dans un autre habillement ; & les ayant saluées d’un air de tendresse, qui acheva de bannir toutes leurs craintes, il fit recommencer l’heureux regne de la confiance & de l’union fraternelles. M. Grandisson se présenta aussi. Je crois avoir observé dans une autre Lettre, que prenant quelquefois un ton conforme à sa conduite, il s’étoit promis de rire beaucoup du caractere sérieux qu’on attribue à son Cousin, & qu’il se vantoit même de l’initier aux plaisirs de Londres, & d’en faire un homme de goût. Mais il fut si surpris de l’air de dignité qu’il vit répandu dans toute sa personne, & si charmé néanmoins de l’agrément & de la facilité de ses manieres, qu’il ne put s’empêcher de dire ensuite aux deux Sœurs : quel homme que votre Frere ! De quelle satisfaction mon Oncle s’est-il privé !