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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/110

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Histoire

compassion est un motif qui ne peut satisfaire une femme généreuse : & quel moyen de faire parler l’amour ? Pouvois-je entreprendre de me rétablir dans son affection, lorsque toute sa Famille rejettoit mes offres, & qu’on ne m’en faisoit point que je pusse accepter ? Entrer en raisonnemens contre sa Religion, pour la défense de la mienne, c’est à quoi je devois encore moins penser, dans le trouble où je voyois son esprit. D’ailleurs la justice & la générosité me permettoient-elles d’abuser de sa situation, pour lui inspirer des doutes sur un Parti, auquel je la voyois attachée de si bonne foi ?

Je me réduisis, en retrouvant la force de parler, à donner de grands éloges à sa piété. Je la nommai un Ange, une fille divine, qui faisoit l’ornement de son sexe & l’honneur de sa Religion. Enfin je tournai tous mes efforts à la faire changer de sujet. Mais pénétrant mon dessein, elle me dit, après quelques momens de silence, que j’étois le plus obstiné de tous les hommes. Cependant, reprit-elle, je ne puis croire que vous ayez du mépris pour moi. Lisons encore une fois votre papier. Elle relut, en me demandant, à chaque promesse, si j’aurois été fidele à la remplir ? Ne doutez pas, lui dis-je d’une fidélité qui auroit fait mon bonheur. Elle parut réfléchir, peser, comparer ; & revenant de cette méditation : que dire, reprit-elle avec un soupir, sur des événemens qui sont encore cachés dans les secrets de la Providence !