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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 4, 1763.djvu/23

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du Chev. Grandisson.

penser que votre joie est extrême de vous être mise de si bonne heure à couvert du même reproche ? Si c’est votre idée, il semble que vous devriez un peu plus de remercimens à Mylord G… dont la générosité vous en a garantie. En vérité, chere Mylady, je crains que pour une femme, ce ne soit blesser la décence, que de jeter une sorte de ridicule sur d’autres personnes de son sexe, pour leur prudence, peut-être, & leur vertu. Faites-vous réflexion combien vous exaltez les hommes par ces libertés badines, vous qui affectez souvent de les mépriser ? Je ne m’étonne point qu’ils raillent les vieilles Filles, c’est leur intérêt : vous les appelez quelquefois les Seigneurs de la création ; & vous ne pensez pas que vous leur donnez droit à ce titre. D’un autre côté, croyez-vous que la même foiblesse, qui fait raconter ses songes à votre vieille Tante Eleonor Grandisson, ne lui eût pas fait trouver autant de plaisirs à ces récits, si le mariage eût fait d’elle une vieille femme ? La joie est souvent mere de quantité de folies. N’avouez-vous pas que l’arrivée de votre Frere, qui a donné occasion à votre Tante de vous raconter ses songes, vous a jettée dans des éclats de rire, dont vous auriez honte d’expliquer la cause ? Les femmes, ma chere, doivent se garder des erreurs dans lesquelles elles trouvent un sujet de ridicule pour les filles. Les songes de votre Tante, permettez-moi de vous le dire,