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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 4, 1763.djvu/60

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Histoire

La chere fille a recommencé à pleurer, des remords de sa malheureuse Mere. Elle nous a dit que la bonté de son Tuteur avoit réveillé dans Madame Ohara, le sentiment de sa méchanceté ; qu’elle ne s’épargnoit point elle-même ; que tout ce qu’elle avoit pu lui dire, pour la consoler, n’ayant pas diminué ses agitations, elle n’avoit fait que pleurer dans le Carrosse en revenant au logis ; que dans cette disposition, il n’étoit pas surprenant qu’une bonne nouvelle l’eût encore touchée jusqu’aux larmes, & qu’elle ne savoit pas ce qui lui seroit arrivé, si elle n’étoit pas sortie pour se soulager ; mais qu’elle étoit revenue à elle-même ; & que, si la conscience de sa Mere pouvoit se calmer, elle seroit la plus heureuse Créature du monde… à cause du bonheur de Miss Byron. Vous vous regardez l’une l’autre, nous a-t-elle dit ; mais si vous croyez que je ne parle point de bonne foi, chassez-moi de votre présence, & ne me voyez jamais.

À la vérité, chere Henriette, cette émotion d’Émilie est une sorte de phénomene pour moi. Expliquez comme vous voudrez : mais je suis sûre qu’Émilie n’est pas une hypocrite. Elle n’a point d’art. Elle croit, comme elle dit, que ses larmes viennent d’un cœur touché de la contrition de sa Mere. Je suis sûre aussi qu’elle vous aime plus que toute autre Femme. Cependant il n’est pas impossible que ce subtil voleur, l’Amour, ne se fût glissé fort près de son cœur ; qu’il